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WUNDERKIND

par Ade 

Un jour, je me baladais dans la petite librairie de ma ville avec la ferme intention de ne repartir avec aucun autre livre que celui du lycée, et puis mes yeux sont tombés sur la couverture noire, tout élégante, de Wunderkind.

Le titre était en transversal, les lettres les touches d'un clavier et deux mains blanches seules s'agitaient au-dessus – le dessin était simple et intriguant, c'est donc avec curiosité que je me suis précipitée sur le résumé. Quand il se fut avéré que ce dernier, évoquant Konstantin, un jeune pianiste prodige et tourmenté, et son quotidien explosif au sein d'un conservatoire déjanté, promettait une lecture correspondant à mon exacte recherche, j'ai traîné l'ouvrage à la caisse pour le dévorer entre deux cours.

 

 

 

Les personnages sont étranges. Je veux dire par là qu'ils ont tous une singularité un peu semblable, qu'ils énoncent avec des mots crus, sans crainte, leurs désirs et leurs rancœurs. Et même si la situation politique et sociale n'est sûrement pas la même et qu'il s'agit sans aucun doute de l'optique personnelle de Konstantin, j'ai trouvé un peu dommage que l'auteur n'ait pas plus travaillé sur des manières différentes de les faire réagir.

La totalité de l'ouvrage se concentre sur l'introspection de Konstantin. Là où l'auteur a excellé dans l'invention de personnages adolescents réalistes, j'ai trouvé qu'il était totalement hermétique et détestable. Il est dans l'excès ce que sont ses voisins dans la mesure. Trop dragueur, trop imbu de lui-même, trop violent, trop fermé, il ne m'a jamais inspiré aucune compassion – il est absolument tout ce que je reproche à ce livre, étant, lui et son comportement imbuvable, responsable du traitement lourdingue de certaines informations ternissant l'aspect général du bouquin.

 

On a aussi l'introduction d'un autre personnage, seule famille à laquelle Konstantin s'est attaché, voix de sagesse et de mémoire, un genre de mentor, en quelque sorte. Par son intermédiaire viennent s'entrelacer entre les lignes égoïstes du personnage principal des échos de vies antérieures déchirantes, des passages de la guerre. C'est le seul adulte que Konstantin ne méprise à aucun moment. Personne ne touche à cet homme insaisissable et troublant, qui a tout vu, et tout vécu. Il est toujours là pour tenter de ramener Konstantin à la raison.

C'est une écriture très personnelle, virtuose quoiqu’un peu prétentieuse, qui nous narre la vie étrange du jeune homme. Rebelle et désabusé, dans une société communiste où son talent n'est pas admis, Konstantin décrit sa passion pour la musique, ses sentiments pour Irina, sa haine de la médiocrité, sa rancoeur à l'égard des concours.

Je pense que j'ai eu un peu de mal à me plonger dans l'histoire, dont on tarde à débusquer le véritable fil conducteur tant des péripéties sans queue ni tête viennent s'y insérer puis s'évanouissent sans qu'elles n'aient eu aucune incidence. Du coup, la lecture est un peu tortueuse et hésitante – on flotte un peu sur ses dialogues sans grand intérêt, mais on se laisse porter par de magnifiques monologues portant un amour sans faille de la musique et du talent qui est profondément bouleversant.

C'est un livre qui se veut intelligent et réfléchi, et on peut dire qu'il touche du doigt cette idée – ses personnages sont déroutants et torturés, l'intrigue désespérément réaliste. Mais j'ai trouvé quelquefois que l'auteur se laissait emporter par cette volonté de déclamer des idées, au détriment d'une écriture qui aurait pu être plus fluide et agréable. Quelquefois certaines phrases sentaient le faux, le réchauffé, autant que le comportement du personnage principal qui n'est décidément pas un coup de cœur pour moi.

Tiens, parlons un peu du communisme. Concrètement, on en a idée au travers d'une vie quotidienne basée sur l'égalité des chances, dans un milieu artistique où les mêmes qui la prônent se montrent injustes et réducteurs. On voit l'étendue de la mocheté de ce système dans son entièreté, vu que les personnages se prônant communistes se comportent à l'opposé de leurs valeurs. C'est à la fois pathétique et frappant.

 

Par exemple, la directrice de l'établissement, gentiment surnommée « La chouette », suppure d'une fausse bienveillance liée à la peur qu'elle a que l'on menace ses précieuses valeurs, basées sur l’Égalité, que viennent troubler Irina, Konstantin et Vadim avec leur talent hors du commun – elle est tant obsédée par l’Égalité qu'elle en devient injuste.

 

Je pense que ce livre est une bonne trouvaille, dans l'optique où il est sans concession une parfaite représentation de ce qu’un adolescent révolté pouvait ressentir dans un milieu communiste aussi fermé – et si je suis intimement persuadée que certaines des petites incohérences sont trop énormes pour avoir été voulues, elles tendent vers cette idée.

 

Dans tout les cas, si vous avez l'occasion de mettre la main sur cet excellent bouquin – oui oui, malgré ces quelques défauts – prenez-le, sans aucune hésitation. De belles heures de lecture vous y attendent, ainsi qu'une rencontre merveilleuse avec cet univers fascinant qu'est celui de la musique.

       

Ade
 


     

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