top of page

THURSDAY NEXT

par Jin d'Arabborr

Pour ma première chronique littéraire, j'ai beaucoup hésité, tergiversé, et puis je me suis décidée pour Thursday Next, ayant l'impression qu'elle n’était pas très connue alors qu'elle mériterait de l'être.

Vous avez peut-être tiqué. Avez-vous tiqué ?

Non, Thursday Next (Mardi prochain, en anglais), ce n'est pas le titre du bouquin (annonçant une sorte de nostalgique renvoi à un futur passé en mode comédie romantique bubble gum qui coule le rose de partout). Thursday Next, c'est le nom de l'héroïne de L'Affaire Jane Eyre et de ses suites, par Jasper Fforde.

Mais alors, puisque ce n'est pas une comédie romantique c'est quoi le genre de ce livre ?

Déjà, c'est un roman (enfin, une série de romans) policier, qui se passe dans un monde qui pourrait être le nôtre si la Terre était tombée sur la tête, entraînant avec elle tous ses scientifiques et quelques événements historiques. Pour preuves, les clones de dodo qui sont devenu l'un des animaux familiers les plus répandus dans cette autre Angleterre, et la guerre de Crimée qui dure encore depuis cent ans. Entre autres.

Policier, mais pas que. Uchronie, vous l'aurez compris, et ajoutons une bonne dose d'humour anglais. Dans le genre la couche de beurre que tonton George met sur sa tartine le matin, celle que vous avez toujours voulu mesurer avec une règle, pour savoir qui de vous (deux centimètres !) ou de votre frère (trois centimètres !) a gagné le pari, mais comme le tonton est un peu bizarre, vous n'avez jamais pu vérifier.

Wikipédia affirme que l'on peut ajouter à ces trois genres la science-fiction. Je ne m'étalerai pas et vous laisserai vous faire votre opinion sur ça, en découvrant le monde de Jasper Fforde par vous-même. Oui, ça peut sembler facile, mais j'aime tellement découvrir un nouvel univers que si on m'en a trop dit, ben... Ça gâche un peu la surprise, quoi. Après, il y a toujours cette histoire de clones de dodos qui donne un avant-goût du côté science-fiction. Dois-je vous prévenir que toute intrusion de ce genre se fait par le truchement d'inventions aussi drôles/bizarres/improbables (rayer la ou les mention-s inutile-s ou, à l'aide d'une invention de l'oncle de Thursday, rajouter toutes celles que vous voulez) ?

C'est bien beau, tout ça. Cependant, vous vous demandez certainement ce qu'il se passe dans ce monde si particulier. Toutes proportions gardées, bien sûr, j'imagine qu'il serait désagréable que je vous dévoile la fin de l'histoire. Alors voilà :

Je ne vous ferais pas l'affront de vous résumer l'intrigue des opus suivant L'Affaire Jane Eyre, pour des raisons évidentes de protection de l'intrigue et de son dénouement.

Thursday Next est une trentenaire qui s'ennuie au bureau de la brigade littéraire. Cantonnée à des travaux administratifs toute la journée, elle voit son quotidien bouleversé le jour où un voleur, qu'elle est la seule à pouvoir identifier, s'empare du manuscrit original de Martin Chuzzlewit, de Charles Dickens. Dans un monde où les livres sont rois et où l'apparition d'un nouvel écrit de Dickens pourrait créer un mouvement de foule qui n'aurait rien à envier à nos hurlements de groupies des Beatles (ou, plus récemment, de Justin Bieber), vous vous doutez bien que retrouver le manuscrit devient vite la préoccupation numéro un de la brigade littéraire, au risque de se mettre les journaux à dos. Pire que les journaux : le livre pourrait ne pas être sauvé ! Sauf que tout se complique quand le voleur, Achéron Hadès, s'empare de l'invention de l'oncle de Thursday : un artefact permettant à celui qui le possède d'entrer dans les livres. Et, comme Achéron est très très méchant, d'y commettre des crimes.

Au fil de ces deux paragraphes, vous aurez peut-être eu l'impression que l'auteur part dans tous les sens. Il est vrai que son univers est très riche, et qu'il a tendance à s'ouvrir sur lui-même encore et encore comme une mise en abyme. Cependant, chaque opus de la série explore une partie de ce monde vaste et de ses possibilités, et au final on s'y retrouve très bien. Le seul effet notoire est de laisser l'impression d'un monde foisonnant et plein de potentiel. À tel point qu'on aimerait parfois jouer avec ou rentrer dedans pour y vivre quelques péripéties.

Dans la narration, Jasper Fforde distille autant de suspense – c'est qu'il se passe des choses dramatiques ! - que d'humour – jusque dans les noms des personnages, Thursday en étant le premier exemple, Landen Parke-Laine (« Land on Park Lane », « atterrir rue de la Paix », dans la version anglaise du Monopoly) en étant un second parmi d'autres. Le résultat est un récit dont l'atmosphère reste somme toute légère mais est tissée de telle sorte qu'on ne décroche pas de l'intrigue. C'est le genre de livre qu'on avale en quelques jours parce qu'on veut connaître le fin mot de l'histoire, savoir qui s'en sort et dans quel état.

Les personnages sont quant à eux hauts en couleurs, à l'image de leurs noms. Mon seul tout petit regret est de ne pas vraiment réussir à m'identifier à l'un d'eux. Ce léger inconvénient est toutefois comblé par des caractères marqués, par la dynamique des échanges qui ne manque jamais de mordant, par la foule de personnages secondaires, tous intéressants, qui jalonnent les pages.

 

À présent, je veux absolument vous parler de l'effet extraordinaire que ce livre a eu sur moi. Il m'a laissé une souvenir indélébile et fait même partie des rares livres que j'ai lus plusieurs fois. C'est un peu pour l'intrigue, un peu pour les personnages, beaucoup pour l'univers, et énormément pour la raison suivante ; parce que non seulement il est délectable en lui-même, mais surtout, surtout, il donne envie de lire d'autres livres. Et je ne parle pas forcément de ses suites.

Et c'est comme ça que je me suis retrouvée à lire Jane Eyre de Charlotte Brontë, Les Hauts de Hurlevent de sa sœur Emily, le recueil de nouvelles d'Edgar Allan Poe que j'ai trouvé qui comprenait Nevermore ou encore... Le Procès de Franz Kafka. Et une fois la porte ouverte, j'ai déboulé dans les classiques et en ai avalé une bonne petite quantité.

Le lien avec Jane Eyre me semble évident (après tout, le premier opus se nomme L’Affaire Jane Eyre), celui avec les autres livres peut parfois être plus ténu. Mais toujours il est fait de sorte qu'une fois le livre de Jasper Fforde refermé, ça me titille d'aller voir ce qu'il se passe dans ces autres livres, « en vrai » : vous vous souvenez de la machine de l'oncle que le voleur a volée ? (Au cas où, voir deux paragraphes plus haut.) Vous commencez à comprendre comment on peut retrouver d'autres livres dans celui-là?

Et je trouve qu'un livre qui donne envie de lire, c'est plutôt bienvenu dans une bibliothèque, non ?

 

Et comme j'ai trop peur de ne pas encore vous avoir convaincus d'ouvrir ces livres, voici :

Avez-vous déjà rêvé de courir d'un livre à l'autre ? De rencontrer votre personnage préféré en vrai ? De voir ce qu'il se passe après la dernière page ou avant la première ? D'avoir accès à tous les livres du monde ? De vous tirer d'une situation périlleuse via une description de Hugo ? Voulu lire un roman mêlant littérature, loups garous et voyages dans le temps ?

Alors, ces livres sont faits pour vous !
       

Jin d'Arabborr
 
Cliquez sur le pseudo
pour consulter le blog
de l'auteur de cet article


     

            Sources :

        

Cet auteur a aussi rédigé
bottom of page