

Mary Shelley, la Maman du monstre mal-aimé
par Nectarine
Réalisé par Haifaa Al-Mansour (première femme cinéaste saoudienne), Mary Shelley est le film biographique qui peut vous permettre de finir l’année 2018 avec un récit coup de poing.
Sobrement appelé par le nom de la grande et pourtant si peu citée auteure de Frankenstein ou le Prométhée moderne, l’œuvre d’Al-Mansour prend le parti de raconter la vie de Mary Shelley, qui fut jonchée d’obstacles, oscillant entre les joies et les drames. Mais est-ce que cela valait la peine de raconter ses déboires plutôt que son œuvre ?
Je me suis installée dans la salle de cinéma un dimanche après-midi, alors que je n’avais jamais eu l’intention de me rendre dans cette dernière. Mais il m’a fallu le soleil, la canicule et la splendide tête d’Elle Fanning pour me convaincre que oui, ça pouvait être une bonne idée, même si cela voulait dire affronter le cerbère amorphe qui me tendait le ticket au-dessus du présentoir.
Jusqu’alors, je n’avais croisé que des images et n’avais aperçu que de rares affiches en voguant sur l’internet – en même temps, lorsqu’il fait 40 degrés, difficile de se concentrer sur quelque chose, à part sur son dos suintant de sueur et la bouteille d’eau déjà chaude juste à côté de soi. Cependant, l'idée de mettre en avant la vie tumultueuse de Mary Shelley m'a énormément étonnée et charmée.
Le film s'attèle donc à décrypter et romancer l'existence de Mary, jeune femme boulimique de la lecture gothique et crayonneuse de quelques petits bouts de texte du même genre. Dix-sept ans à peine, elle doit faire face à sa belle-mère – femme caractérielle et franchement détestable –, qui possède un dégoût sans gêne pour la génitrice de Mary. En effet, cette dernière fut l'une des premières philosophes féministes à écrire et publier des essais à propos du mariage, de la place de la femme dans la société et le sujet touchy de l'époque, l'amour polygame. La petite vie de Mary se voit chamboulée lorsqu'elle rencontre Percy Shelley, jeune poète qui a le vent – presque – en poupe et qui lui fait la cour sans chichis. Toute de suite, la torche prend flamme et les voilà tous les deux sur le chemin de la passion avec ses hauts et ses très bas.
L'amour de Mary Shelley est au centre de l'œuvre ; sa passion pour Percy, sa confiance, puis sa tristesse lorsque celui-ci lui fait part de son envie de voir d'autres femmes, d'être libre. De plus, ce dernier n’est pas un homme responsable lorsqu’il est question de l’argent. Même si ses poèmes engagés leur offrent une vie pleine de richesse au début, le jeune marié n’en fait qu’à sa tête et dépense sans compter pour profiter des bienfaits de l’alcool et du luxe. Seulement, la naissance de leur enfant va être le déclencheur d’un véritable drame dans la vie de Mary ; sans plus un sou, la santé fragile de l’enfant est mise à rude épreuve et la famille est obligée de délaisser tous les biens pour retrouver leur vieux logis. Le froid et la précarité deviennent alors les fléaux du couple et vont causer la plus grande hantise de Mary… la mort de son nouveau-né.
On pourrait se demander où le film veut nous emmener... La réponse est à la fin : à la création du monstre Frankenstein. Coup de génie de la part de Haifaa Al-Mansour ? Pour moi, c'en est un. Surfant sur les actions et les mouvements féministes, le soulèvement des rancœurs ainsi que des injustices, la réalisatrice met en évidence les malheurs de Mary Shelley qui ont fait d'elle le monstre, à seulement dix-neuf ans. Pas le monstre assoiffé de sang comme les gens ont eu l'habitude de le représenter. Mais le monstre triste, désemparé, abandonné par son créateur.
En plus d'être accompagné d'une musique merveilleuse et travaillée, Mary Shelley apporte une fin surprenante et nouvelle pour expliquer l’origine du Monstre de Frankenstein. Réalité ou fiction ? C'est le choix de la réalisatrice. Malgré de nombreuses critiques négatives sur le parti pris de cette dernière, je pense qu'il y a là bon nombre de choses qui se doivent d'être étudiées et réfléchies par tous les spectateurs.
Pour ma part, ce film fut un véritable coup de boost pour mes aspirations personnelles et mon envie de mettre un point d’honneur à terminer ma propre création. Le film en vaut la chandelle. Vraiment. Il nous touche profondément, plus encore lorsque l'on est une fille ou une femme. Et surtout, nous rappelle qu'écrire, malgré les regards et les déceptions de notre entourage, est le meilleur moyen de faire porter notre voix et notre cœur.

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