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Né en 1949, Jean Dufaux est un scénariste de BD mondialement reconnu avec plus de 200 titres à sa bibliographie. Il collabore généralement avec un dessinateur différent pour chaque saga. Pour cet article, je vais parler de quatre sagas : Murena, Giacomo C., Barracuda et Djinn.

 

Jean Dufaux : aventure

 

et dépaysement

 

Par Ichmagbücher

Murena, en collaboration avec les dessinateurs Phillipe Delaby, puis Theo suite au décès du précédent

 

Cette saga compte dix tomes et est en cours depuis 1997.

 

S'appuyant sur de nombreux ouvrages et faits historiques, Murena raconte le règne de l'empereur Néron à Rome à partir de 54 après J.-C. L'histoire s'ouvre sur son accès au pouvoir : on y découvre un Néron de 17 ans, un peu indécis, mais qui gagne rapidement en confiance.

Et voilà le lecteur plongé dans un monde sournois où tout tourne autour de l'argent et du pouvoir, aussi maigre peut-il être. Car même les esclaves qui ne possèdent même pas leur vie s'accrochent au peu qu'on leur octroie. L'intrigue consiste en un enchevêtrement de complots et de manipulations. Entre trahisons et vengeances, il n'y a aucun temps mort. Les enjeux évoluent et on se demande avec impatience qui arrivera à ses fins le premier… et pour combien de temps. Car rien n'est jamais acquis.

 

Tout tourbillonne autour de l'empereur. Murena n'est pas le protagoniste de cette saga. S'il se fait discret, son rôle n'est pas moins important. Sa relation avec Néron influe régulièrement les décisions de celui-ci. Lucius Murena est un personnage créé de toutes pièces pour combler les vides de l’histoire et justifier certains actes.

 

Dans un décor de Rome antique aux dessins réalistes, les dialogues sont de première importance car on parle de politique. Les mots sont des armes dont l’on use ou non à dessein et avec attention. Les traits du visage sont à prendre en compte, l'expression d'un regard regorge d'informations et détrompe souvent des paroles trop suaves ou anodines.

 

 

Giacomo C., en collaboration avec Griffo

 

Publiée de 1993 à 2005, cette saga compte quinze tomes et une autre lui fait suite : Giacomo C. : Retour à Venise, débutée en 2017.

 

Inspirée librement du célèbre Casanova, la saga s'ouvre sur la transformation de l'homme en ce tombeur légendaire que l'on connaît aujourd'hui. Giacomo aime autant l'argent que la bonne compagnie et, pour renflouer ses poches, il enquête pour l'institution en place à Venise. Il est efficace et trouve toujours un intérêt personnel à ses découvertes.

 

C'est avec curiosité que l'on suit le protagoniste dans la Venise du XVIe siècle. Giacomo nous emmène dans un dédale de rues mal famées, des salles somptueuses de palais ou des grandes maisons de riches commerçants. À l'affut du moindre indice, Giacomo fouine et réfléchit, mais cherche aussi à tirer partie de ses découvertes. Il se retrouve alors en positions fâcheuses : courses-poursuites, enfermement, chantage. Au pied du mur, le libertin a plus d'un tour dans son sac.

 

Giacomo oscille entre confort et pauvreté. Il communique avec aisance avec les aristocrates comme avec les voleurs. Les facéties de Parmeno, son domestique et fidèle acolyte, promettent des moments de franches rigolades. Leur relation, tantôt orageuse, tantôt amicale, est la seule constante de leur vie.

 

La narration décrit les paysages et l'état d'esprit de Giacomo. Les dialogues proposent des langages à l'opposé, entre la grossièreté de Parmeno et le dédain des riches, en passant par un vocabulaire plus courant (en restant adapté à l'époque). Les couleurs du dessin rajoutent du dynamisme à un récit déjà bien fourni en action.

 

 

Barracuda, en collaboration avec Jeremy

 

Saga terminée en six tomes, elle a été publiée entre 2010 et 2016.

 

Sur une île peuplée de pirates et de gens sans scrupules, trois adolescents coincés malgré eux cherchent leur place, alors qu'un diamant oublié refait surface et que tout le monde veut se l'arracher, en dépit d'une malédiction aussi ensorcelante que mortelle.

 

Dès l'ouverture du premier tome, le lecteur est pris dans les filets de l'intrigue. Aucune situation n'est définitive : le pouvoir change de mains selon les machinations des personnages. Barracuda se transforme purement et simplement en règlements de compte. Chacun reproche quelque chose aux autres et tous les coups sont permis pour exercer sa vengeance. Sur un rythme effréné, rebondissements et révélations, disparitions et retrouvailles, suspense et action enrichissent le récit et en font une saga addictive.

 

Les destins d'Emilio, Maria et Raffy sont liés. Ils peuvent s'éloigner, les circonstances finiront toujours par les réunir. Débarqués ensemble du Barracuda, ce fameux navire qui a donné son nom à la saga et qui n'est que rarement présent. L'histoire s'ouvre et se ferme sur lui, mais où est-il au milieu ? En fait, tout dépend de son retour. De la réussite ou non de sa mission. Toute l'île semble l'attendre.

 

Le texte se cantonne aux dialogues et aux réflexions personnelles, partagées directement par les concernés. La voix extérieure objective est absente. Tout repose sur la subjectivité des personnages. La couleur rouge ressort sur le reste, à l'image du sang qui s'écoule des corps malmenés. L'ambiance est pesante, violente, mais un certain humour noir trouve sa place.

 

 

Djinn, en collaboration avec Ana Mirallès

 

Parus à partir de 2001 et jusqu'en 2016, treize tomes séparés en trois cycles composent la saga.

 

Kim part sur les traces de sa grand-mère, se retrouve aux mêmes endroits, agit de la même façon qu'elle. Sa grand-mère Jade était une Djinn, elle n'éprouvait rien et n'agissait que par intérêt. Sur ordre du sultan, elle a séduit un couple d'Anglais... et s'est retrouvée prise à son propre piège.

 

Bienvenue dans le harem ! Les corps nus détournent l'attention et cachent les intentions. Au centre des enjeux : une guerre, mais surtout un trésor. Plusieurs camps se lancent à sa recherche. Entre passé et présent, de la Turquie à l'Inde en passant par l'Afrique, le lecteur est parti pour un long périple semé d'embûches. Les stratégies s'affrontent pour mettre la main sur ce trésor convoité de toutes parts. Dans une ambiance lourde de menaces, chacun guette une opportunité.

 

Jade est d'abord un pion sur l'échiquier entre deux pays. Mais sa beauté éblouit et personne ne se méfie d'une courtisane. Elle use de son pouvoir de Djinn pour atteindre ses objectifs. Un seul regard, et on renonce à tout pour elle. Djinn, Kim le devient, pour retrouver le passé familial. Les amants défilent avec leurs secrets.

 

L'alternance entre le passé et le présent donne du rythme au récit. Le changement d'époque n'est pas annoncé et arrive à l'improviste. Le présent introduit des indices flagrants sur le passé. Le passé réveille de nouvelles questions sur le présent. Une large palette de couleurs fait ressortir les scènes exotiques à leur juste valeur.

 

 

Similitudes

 

Le cadre historique : chacune des sagas se déroule dans un contexte historique plus ou moins important. Murena et Giacomo C. sont fortement inspirés de faits réels et centrés sur des personnages qui ont existé : Néron et Casanova. Chaque cycle de Djinn présente un arrière plan historique : Première Guerre mondiale, colonisation, maharadjas. Dans Barracuda, l'inquisition espagnole est peu présente, mais son rôle n'en est pas moins déterminant.

 

Le corps : cela passe d'abord par l'illustration, mais l'importance du corps joue sur l'intrigue. Dans Djinn, les corps se mettent à nu. Giacomo séduit par la parole, mais il aime butiner et profiter du corps des femmes. La nudité est un mode de vie et passe presque inaperçue dans Murena, mais les femmes en tirent du pouvoir. Dans Barracuda, l'approche du corps est légèrement différente. Maria se sert de ses atouts. Emilio a un rapport atypique à son corps. Raffy subit des blessures corporelles.

 

La quête : la quête du pouvoir, via la possession d'un objet, et la quête de soi-même : ces deux faces s'entremêlent. Néron a le pouvoir, celui de Murena dépend de sa relation avec l'empereur. Mais Lucius cherche avant tout sa place dans Rome, son rôle. Giacomo n'en est pas conscient, ses investigations pour autrui le ramènent vers ses origines, tout comme Kim, qui part sur les traces de sa grand-mère dans Djinn. Quant aux protagonistes de Barracuda, ils ne sont pas concernés par la course au diamant du Kashar : ils se cherchent eux-mêmes.

 

Le rythme : la destination est importante, la façon d'y arriver aussi. Les personnages de Barracuda et Giacomo C. sont en mouvement perpétuel. Tout bouge très vite. Au contraire, les intrigues de Murena sont plus lentes et subtiles. Djinn aussi avance plus doucement.

 

Le titre : il dirige volontairement notre attention sur une personne ou un objet. Giacomo et la Djinn sont les protagonistes, cela n'a donc pas grand impact. Dans Murena ou Barracuda, Lucius et le navire sont en retrait. Cette désignation claire porte l'attention du lecteur sur eux et questionne sur leur rôle.

 

Conclusion

 

Jean Dufaux propose des récits variés, situés à des époques diverses et dans des pays différents. À travers ses histoires renouvelées, il nous fait voyager : dans le temps, dans l'espace et à l'intérieur de nous-mêmes.

 

 

Bibliographie

Site auteur aux éditions Dargaud : https://www.dargaud.com/bd/Auteurs/Dufaux-Jean

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