

La Bande dessinée (avec un grand B) est considéré comme le neuvième art. Mais au rayon bande dessinée de votre librairie, Tintin et Astérix ne sont pas les seuls à se battre pour une mise en avant. Sous le terme généraliste de bande dessinée se trouvent plusieurs formats : la bande dessinée (évidemment), le manga, le comic book et le roman graphique.
Chaque format possède ses codes et ses propres caractéristiques, et nous allons nous attarder sur chacun d'entre eux pour distinguer ce qui les différencie.
Bande dessinée, manga, comic et
roman graphique : quelles
différences ?,
par Ascelle
La bande dessinée « classique »
Cette bande dessinée-là, c'est celle de l'enfance de beaucoup en Europe (particulièrement en France et en Belgique). C'est Tintin, Astérix et Obélix, Lucky Luke, Yoko Tsuno et j'en passe. Elle est généralement d'origine belge ou française, d'où le terme « bande dessinée franco-belge », qui est apparu après la Seconde Guerre mondiale.
Avant cela, les bandes dessinées portaient bien leur nom car il ne s'agissait que d'une bande de deux ou trois cases dans une revue ou un journal pour raconter une histoire courte, humoristique, satirique ou caricaturale. On retrouve ce schéma de l'autre côté de l'Atlantique, aux États-Unis. Mais après la guerre, on assiste à une montée de l'anti-américanisme dans certains mouvements communistes et traditionnels (eh oui). Et la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse entraîne la disparition progressive de nombreuses revues jugées immorales pour la jeunesse française. À la suite de ça, c'est le succès garanti pour les productions franco-belges patriotiques et moralement irréprochables telles que Tintin et Astérix. Et qui dit succès, dit édition. Ces héros quittent alors les revues hebdomadaires pour se voir attribuer leur propre série d'albums, dans un format de « catalogue cartonné » très spécifique à la bande dessinée franco-belge.
Dans la bande dessinée, chaque album possède sa propre histoire, son propre arc avec sa situation initiale, ses péripéties, sa résolution et son épilogue. Chaque album, appartenant certes à une série, est indépendant.
La BD est très souvent considéré comme une lecture pour enfant, immature. À tort !
Dans cette catégorie, je recommande :
- la série belge Yoko Tsuno
- les adaptations des romans de Pierre Bottero : Ewilan par Lylian et Laurence Baldetti, et Ellana par Lylian et Martin Montse.
Le manga japonais
Quand on me parle de manga, je pense immédiatement aux grands yeux des personnages et au sens de lecture de droite à gauche, si déroutant lors d'une toute première lecture.
Le manga trouve ses origines pendant l'ère Meiji (fin XIXe, début XXe siècle). Mélange surprenant issu d'une narration graphique traditionnelle et des dessins occidentaux de satire et caricatures, son parcours est cependant assez similaire aux autres sous-genres de la bande dessinée puisqu'il a aussi trouvé ses premières places dans des revues périodiques.
Puis la défaite du Japon lors de la Seconde Guerre mondiale et l'occupation américaine sur son sol entraînent une forte influence occidentale sur le modèle japonais. Les comic books américains sont même traduits en japonais et connaissent leur petit succès.
Dans les années 1960, le modèle éditorial subit une restructuration et on assiste à l'ultra-segmentation des récits. Les dessins en noir et blanc et le code graphique très spécifique tant sur les plans et l'esthétique des personnages permettent au mangaka (auteur.trice de manga) de produire plus de planches que ses confrères et consœurs occidentales. Le tout amenant à un rythme de publication plus effréné.
Il est généralement publié dans un format A5 et les volumes s’enchaînent pour créer une sorte de récit-fleuve qui peut se compter en dizaine, vingtaine, trentaine de tomes (si ce n'est plus) (One piece compte actuellement 92 volumes, et d'autres mangas ont déjà dépassé la barre des cent).
Dans cette catégorie, je recommande :
- Global Garden de Saki Hiwatari : si l'on oublie l'absence de notion de consentement, assez commun dans les mangas (et qui aurait mérité un article, mais tant pis), je recommande toutefois ce manga, très peu connu et en 8 volumes, qui a réussi à mélanger avec Einstein les bombes atomiques et la mythologie nordique (oui oui) (puis amour, drama et guimauve!).
Le comic book états-unien
Plus haut, j'évoquais le schéma de bandes dessinées en deux-trois cases dans les revues hebdomadaires, que l'on retrouvait en Europe et au États-Unis. Eh bien, comme pour la bande dessinée franco-belge et le manga japonais, les comic books des États-Unis trouvent aussi leurs origines dans ces comic strips, que l'on pouvait lire dans les quotidiens de la fin du XIXe siècle jusque dans les années 1930. Au début, on réimprime des bandes dessinées perdues dans les archives dans des fascicules agrafés de piètre qualité (car pensés pour être lus puis jetés), puis on y publie des histoires originales et inédites et finalement arrive Superman : le comic book est né. Superman révolutionne le support et c'est en partie de sa faute si, aujourd'hui, l'image du comic book est fortement liée aux aventures de super-héros.
Le rythme de parution des comic books se situe à cheval entre celui du manga et de la BD. Il est rapide, pensé par épisode ayant son histoire propre mais appartenant à un continuum avec sa propre ligne temporelle. Chaque numéro suit le précédent.
Le roman graphique
Le roman graphique est né aux États-Unis de la volonté de certains auteurs de se distinguer des comic books, jugés trop enfantins, trop légers. L'idée était de proposer une déclinaison plus « noble » de la bande dessinée (quelle arrogance !) en abordant des thèmes plus sérieux, adultes et en s'affranchissant des cases, des bulles, des couleurs et du format de la bande dessinée. On s'écarte de la publication de multitudes de numéros ou d'albums pour des ouvrages uniques ou en quelques tomes. Et il n'existe pas de format générique : la couverture peut être souple ou bien rigide, le roman graphique se retrouve en grand ou petit format, en couleur ou en noir et blanc, etc.
Le roman graphique se dit plus libre, plus volatile dans ses décisions graphiques et, de ce fait, a du mal à entrer dans les cases. (cases de BD, tu l'as ?)
Dans cette catégorie, qui est ma favorite, je recommande :
- Maus (en 2 tomes) d'Art Spiegelmann : l'auteur raconte l'histoire de son père sous le régime nazi. Un classique du genre qui a reçu le prix Pulitzer en 1992 (première fois que ce prix fut attribuée à une BD).
- Persepolis de Marjane Satrapi : son enfance en Iran, son adolescence en Europe.
- Habibi de Craig Thomson (mon chouchou) : un voyage onirique et spirituel, où l'on suit les aventures de Dodola et Zam dans ce qu'il y a de pire chez l'être humain, mais également ce qu'il y a de plus beau.
Malgré leurs différences, on remarque toutefois un parcours similaire entre comic book, manga et bande dessinée. D'abord très courtes, satiriques, les histoires trouvaient leur place dans des revues à publication régulière. Et ensuite, elles s'en sont émancipées pour être éditées seules sous forme d'album pour les bandes dessinées, de volume pour les manga, de numéro pour les comics, etc.
Longtemps attribuée à un public juvénile et immature, la grande famille de la bande dessinée se détache petit à petit de cette image. Les romans graphiques sont notamment nés de cette volonté de se séparer du support dit enfantin de la bande dessinée. Mais le cliché à éviter ici est de réduire le manga à One piece et Fruit Basket, les comic books à des histoires de super-héros et la BD à Tintin et Astérix. Outre la volonté de convenir à un public de 7 à 77 ans, vous trouverez dans le rayon BD de votre librairie des mangas, bandes dessinées, romans graphiques et comics à destination d'un public adulte, mature et averti.
Car ces formats ne sont plus réservés aux enfants.
Ascelle

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Tuto : porte-crayon, Webzine Février 2018