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Qu’est-ce que A Silent Voice ?

 

A Silent Voice est un manga écrit par Yoshitoki Oima, une jeune auteure/mangaka inspirée par sa mère, interprète en langue des signes. Il est publié pour la première fois au Japon au cours de l’année 2013, et en France au cours de l’année 2015 par les éditions Kioon shonen. Le manga rencontre rapidement un succès phénoménal au Japon comme en France, où il sera sacré prix du meilleur manga (Daruma d’Or) lors de l’édition 2017 de la Japan Expo. Il est catégorisé comme shonen et évoque plusieurs thèmes assez lourds tels que : le harcèlement, le handicap et son acceptation, le racisme, le jugement de l’autre et de soi, la confiance en soi, le suicide mais aussi la haine, l’amitié, ou encore l’amour.

Ce drame décliné en sept tomes sera, en 2016, porté à l’écran par la réalisatrice Naoko Yamada. Il fera son entrée dans les salles de cinéma françaises en août 2018, où il sera très bien accueilli par la critique et par les spectateurs. Ainsi, il rejoindra à son tour les nombreux succès de l’animation japonaise.

 

 

A Silent Voice,

 

par Lol'y

Que raconte A silent Voice ?

A Silent Voice c’est l’histoire d’une jeune fille, Shoko Nishimiya, atteinte d’une déficience auditive, elle est donc malentendante de naissance. Afin de communiquer avec ses camarades de classe, elle utilise un petit carnet où ceux-ci peuvent écrire pour pouvoir discuter avec elle et par lequel elle peut leur répondre. Bien que Shoko fasse l’effort de parler, il n’est pas toujours facile de se faire comprendre par les autres, du fait de son handicap.

Si tout semble bien se passer pour elle après son arrivée dans sa nouvelle classe, rapidement la situation dégénère à son encontre. Malgré tous les efforts qu’elle déploie pour se faire accepter, Shoko va subir un harcèlement répété, d’abord psychologique, par des messages méchants inscrits dans son cahier interprète, puis physique, qui est chaque jour de plus en plus violent. Finalement, elle changera de nouveau d’école avant que le lecteur ne la retrouve cinq ans plus tard.

 

A Silent Voice c’est aussi l’histoire d’un jeune garçon, Shoya Ishida, leader de sa classe et roi dans les bêtises les plus farfelues. Lorsque Shoko arrive pour la première fois dans sa classe et qu’elle se présente comme malentendante, il semble dans un premier temps fasciné/intrigué par la nouvelle venue. Mais rapidement, il commence à être exaspéré par son handicap et devient le bourreau de Shoko. S’il commence par de « simples moqueries » (qui font rire toute la classe, et surtout ses amis qui l’accompagnent), très vite le harcèlement monte en grade. Des humiliations physiques, des moqueries permanentes et enfin, l’arrachement de l’appareil auditif de la jeune fille, au point de lui faire saigner les oreilles.

C’est lorsque le directeur intervient enfin, suite à une plainte de la famille de Shoko, que le sort s’inverse pour Shoya ; et de bourreau il passe alors à victime. Harcelé à son tour par ses camarades, qui ne manquaient pas, eux aussi, de se moquer et de tourmenter la jeune fille, tous vont se retourner contre lui pour le désigner comme seul responsable de ce qui est arrivée à Shoko.

Le temps passe, là encore, et le lecteur retrouve Shoya cinq ans plus tard, au lycée, complètement effacé de la vie de ses camarades de classe, avec comme simple idée de rembourser sa dette et de s’excuser sincèrement auprès de la nouvelle, Shoko Nishimiya, avant d’essayer de mettre fin à ses jours… 

 

A Silent Voice : le harcèlement à l’école

 

Le premier tome de A Silent Voice est consacré à la question du harcèlement dans l’école, au sein d’une classe, lorsque les deux protagonistes se rencontrent pour la première fois.

Je souhaitais revenir sur la place du professeur durant ce tome et lorsqu’on le recroise un peu plus tard dans le manga ; les enfants sont alors en CM2, dernière année scolaire de l’école élémentaire avant d’entrer au collège.

Si, plusieurs fois, on aperçoit l’enseignant recadrer Shoya sur sa façon de se comporter avec Shoko, aucune sanction n’est mise en place par le professeur, aucun avertissement n’est appliqué, aucune rencontre avec les parents n’est réalisée. D’autre part, un seul élève est recadré par le professeur, or c’est tout un groupe d’enfants qui est responsable du harcèlement.

Au milieu du tome 1, la classe est sensibilisée au langage des signes pour communiquer avec la jeune fille, mais l’idée est rapidement effacée par le professeur titulaire lui-même, accusant sa collègue de vouloir enseigner une discipline qu’elle ne maîtrise pas ; et, dans le même temps, donnant raison à ses élèves d’exprimer leur mécontentement sur l’apprentissage d’une langue supplémentaire qu’ils n’ont, à l’évidence, pas envie d’apprendre. 

Le professeur est, ici, bien au courant du harcèlement qui se profile au sein de sa classe et n’y met fin en aucune façon. Il faudra attendre l’intervention du directeur pour que le professeur décide de faire bonne figure et accuse l’élève le plus perturbateur de la classe : Shoya. Il incite également, à ce moment-là, ses autres élèves à se monter contre le responsable tout droit désigné.

Plus tard dans le manga, nous recroisons ce professeur, qui n’hésite pas à dire haut et fort que cette année-là (cinq ans plus tôt), la classe avait tiré « le mauvais numéro », tout en parlant de Shoko, et que dans tous les cas « ça ne pouvait pas mieux se passer » avec elle. Dans ce manga, le professeur n’est aucunement bienveillant avec ses élèves.

 

Yoshitoki Oima place ici la responsabilité de l’enseignant dans le harcèlement scolaire. Elle nous montre que l’école peut parfois être « raciste » envers la différence et dénonce cette malveillance de la part de celui qui devrait enseigner le droit chemin à des enfants qui découvrent le monde, et qui doivent apprendre à accepter les différences de chacun, et plus précisément, ici, le handicap d’une camarade.

J’invite d’ailleurs toutes les professeures et tous les professeurs quels qu’ils soient à lire ce manga bien trop criant de vérité, encore aujourd’hui, sur la place du handicap à l’école.

A Silent Voice : une acceptation du handicap

À la fin du tome 1, nous nous retrouvons cinq ans après le drame. Les deux protagonistes ont grandi chacun de leur côté et leurs chemins se croisent de nouveau, à cause de la décision de Shoya, qui n’a jamais oublié son ancienne camarade atteinte de surdité, et prend la résolution d’aller s’excuser convenablement auprès de la jeune femme de son comportement d’autrefois avant de mettre fins à ses jours…

Dès le début du tome 2, nous entrons alors dans ce que j’appelle la phase d’« acceptation du handicap ». Le jeune homme retrouve Shoko et communique avec elle par l’intermédiaire de la langue des signes qu’il a soigneusement apprise au cours des cinq dernières années pour pouvoir aller s’excuser, auprès d’elle, des faits passés. C’est le premier pas de l’acceptation de la différence entre lui et elle.

Finalement, les deux héros de ce drame romantique choisissent de se revoir après ce premier nouvel échange silencieux où seuls les gestes opèrent, et d’apprendre à se connaitre. Shoya découvre finalement qu’il n’est pas si difficile de communiquer avec Shoko maintenant qu’il maitrise la langue des signes. Il découvre ainsi la jeune femme et son univers, et se lie d’amitié avec elle. De son côté, si elle prend peur au départ lorsqu’elle le revoit, et se sauve, Shoko ne semble pas en vouloir à Shoya de ce qu’il s’est passé cinq ans plus tôt. Elle accepte donc avec beaucoup de gentillesse de revoir le jeune homme dans l’avenir.

 

Au fur et à mesure que l’histoire avance, nous retrouvons d’anciens personnages du tome 1. Notamment Naoka, qui ne peut supporter de revoir la jeune sourde, qui pour elle est la seule responsable de ce qu’il s’est passé autrefois, et de son éloignement avec Shoya qu’elle affectionne particulièrement. Elle la hait de tout son cœur et n’hésite pas à le montrer plus d’une fois envers la jeune femme, tout au long de l’histoire, puisqu’elle continue à la harceler psychologiquement lorsqu’elle la croise. Malgré tout, au côté du nouveau Shoya et de la nouvelle Shoko, Naoka s’adoucira petit à petit et finira par accepter sa nouvelle amie, même si elle a dû mal à le montrer.

Tout au long du manga, chaque personnage prend conscience peu à peu que le handicap de Shoko n’est pas un frein à la communication et que la seule barricade existante entre eux et la jeune femme est celle qu’eux-mêmes se sont créée en ayant peur d’aborder une personne différente de leur quotidien, qui ne vit pas les situations de tous les jours de la même façon que tout le monde.

 

A Silent Voice : la question du jugement de l’autre et de soi

 

Dès le tome 2, le lecteur peut prendre la place de Shoya, devenu complètement introverti à tel point que, pour éviter le regard des autres, il met des croix sur leur visage. Il n’écoute pas les conversations, il n’échange avec personne de sa classe et il n’a aucun ami. Par peur d’être jugé par les autres, il décide donc de complètement s’enfermer sur lui-même. Du fait de son passé, il estime qu’il ne mérite pas d’avoir des amis et cela lui fait même peur d’essayer d’en avoir ; il estime être une mauvaise personne et c’est la raison pour laquelle, au début de l’histoire, il choisit de suicider.

Au cours du manga, certaines croix tombent des nouveaux protagonistes, moment M où le héros décide de s’ouvrir à d’autres personnages que Shoko et d’apprendre à les connaître.

Tout au long de l’histoire, les croix s’enlèvent et réapparaissent, témoignant des moments où Shoya s’ouvre aux autres et où il se renferme de nouveau lorsque la situation devient trop difficile à supporter pour lui. C’est une très jolie allégorie choisie par l’auteure pour exprimer la peur d’être jugé par les autres mais aussi par soi-même. Elle nous y évoque aussi, implicitement, la confiance en soi à prendre pour affronter le regard d’autrui.

 

Mais Shoya n’est pas le seul à être pris dans un tourbillon de non-confiance en soi. Shoko, de son côté, pense qu’elle est le problème principal des disputes entre leurs amis communs, du fait de son handicap. Ce qui l’amènera, à son tour, à vouloir se suicider, mais elle est sauvée de justesse par Shoya. La place qu’offre Yoshitoki Oima au jugement des autres et de soi-même nous rappelle à quel point celui-ci peut être destructeur pour la cible de ces commentaires (ou gestes) souvent acerbes.

A Silent Voice : une histoire d’amitié et d’amour

Si A Silent Voice traite de nombreux sujets difficiles, comme évoqués plus tôt, il traite aussi de sujets beaucoup plus doux tels que l’amitié et/ou l’amour.

 

A Silent Voice c’est d’abord une histoire d’amour qui se développe petit à petit entre un bourreau et sa victime. Si Shoya et Shoko étaient d’abord de grands ennemis dans le tome 1, le fait que le jeune homme ait appris la langue des signes pour pouvoir communiquer, cinq ans plus tard, avec la jeune femme, va permettre de réduire d’un seul coup la distance qui les séparait. Si bien que leur rapprochement va petit à petit les amener à éprouver l’un envers l’autre des sentiments plus fort qu’une simple amitié.

Et de ce fait, le manga marque un grand coup : être handicapé ne veut pas dire qu’une histoire d’amour ne peut pas se créer entre deux personnes que tout, ou presque, oppose.

 

A Silent Voice, c’est aussi une histoire d’amitié. Si nos deux héros deviennent d’abord amis avant de développer d’autres sentiments plus forts, ils ont autour d’eux un petit groupe d’amis qui se forme et les soutient dans leur projet, chacun de leur côté. Parfois, ces amis sont de vieilles connaissances qui reviennent et acceptent tout simplement le changement qui s’opère tout au long de l’histoire entre les protagonistes, et parfois cela passe par des disputes qui petit à petit se transforment en liens amicaux.

 

C’est ici une preuve que chacun peut évoluer et changer que nous offre la mangaka.

 

A Silent Voice : le message fort

A Silent Voice nous plonge donc, ici, dans un message fort sur la place du handicap dans la société d’aujourd’hui, au Japon ou n’importe où ailleurs dans le monde, et aussi et surtout sur son acceptation.

Je voulais notamment revenir sur un réel moment fort que l’auteure nous partage à travers son œuvre.

Lors du tome 6, avant-dernier tome de la série, le héros, Shoya est hospitalisé après une violente chute. Ici, la mangaka a choisi de nous montrer le point de vue de chaque personnage pendant le coma du jeune homme. Le lecteur peut alors se retrouver dans les sentiments de chacun et la façon dont ils vivent la mise à l’épreuve de leurs amitiés entre eux, mais aussi avec Shoya, durant ce moment difficile. Chaque protagoniste a donc son chapitre. Mais celui qui me marquera le plus reste celui de Shoko, l’héroïne. L’auteure a, ici, décidé de couper chaque parole prononcée par les personnages en deux pour que le lecteur se rende compte de ce que la jeune femme malentendante perçoit de ce qui est dit à l’oral, soit à peine la moitié des propos. Ainsi, le lecteur, en prenant son temps dans sa lecture sur ce chapitre, peut quand même continuer à suivre l’histoire en reconstituant les mots un à un, mais peut aussi se rendre compte du temps qu’il faut à Shoko pour comprendre ce que disent les autres.

Et c’est à mon sens un point essentiel de l’histoire de se plonger ainsi dans le handicap de la jeune femme. Le lecteur devient Shoko et peut comprendre ce que l’héroïne ressent en ne lisant que la moitié des paroles des personnages.

 

A Silent Voice : du manga au film d’animation

Comme je l’ai évoqué au début de mon article, A Silent Voice fut adapté au cinéma par la réalisatrice Naoko Yamada. Et c’est un chef-d’œuvre de l’animation japonaise qui nous est proposé, là encore.

Le dessin est magnifique, les couleurs sont explosives, les doublages sont très bien faits (en version originale) et les musiques splendides. Si quelques scènes présentes dans le manga ne sont pas intégrées dans le film d’animation, comme par exemple la scène finale du manga, c’est ici 2h10 d’un concert d’émotions qui nous est présenté. On passe du rire aux larmes, de la colère à la joie, du dégout à la passion. Le film se termine sur une des scènes les plus importantes du manga à mon sens et c’était très bien vu de la part de la réalisatrice.

Pour le reste, l’ensemble de l’animé respecte l’histoire du début à la fin. Je n’ai absolument pas été déçue de la version cinématographique par rapport à la version littéraire.

Le film a reçu de nombreuses récompenses lors de divers festivals au Japon, et c’est bien mérité pour ce qu’il offre aux spectateurs : une histoire criante de vérité, une société mise face à ses défauts.

 

A Silent Voice : mon ressenti final

Je pourrais vous parler encore des heures, des jours voire des semaines de ce manga et l’éplucher avec vous tome par tome, page par page, case par case (comme pour vous évoquer la place de la maman de Shoko dans l’histoire, qui passe par sa fille cadette pour comprendre son aînée, car elle ne connaît pas la langue des signes) mais je pense que c’est à vous, maintenant, de vous faire votre idée sur ce chef-d’œuvre du manga et de l’animation japonaise.

Pour terminer, je dirais que c’est un manga qui frappe fort dans notre société d’aujourd’hui qui se veut plus ouverte, moins raciste, plus aidante pour les personnes en situation de handicap, mais qui finalement a tendance parfois à fermer ses portes. C’est un manga qui nous met face à nos responsabilités et qui nous prouve encore une fois que le handicap, qu’il soit physique ou mental, n’est pas un frein à la communication entre une personne dite « normale » et une personne en situation de handicap. La seule barricade qui existe entre chacun d’entre nous, qu’on soit handicapé ou non, c’est celle qu’on se crée nous-mêmes, car la différence et/ou le changement ont tendance à nous faire peur.

Mais cette oeuvre vient également nous montrer fièrement que chacun peut changer et évoluer pour s’adapter à son entourage.

Ce manga est un hymne à l’acceptation de la différence et, plus particulièrement ici, du handicap.

Lol'y
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