

Sophie Audouin-Mamikonian, Anne Plichota, Cendrine Wolf et Alexandre Moix.
Ces noms parleront peut-être plus aux amateurs de romans SFFF*, ou de littérature dite de l’imaginaire. Peut-être que ces noms vous semblent familiers, peut-être pas. Tous n’ont pas fait autant de succès que leurs confrères américains ou anglais dans le monde de la littérature, et pourtant, ils ne sont pas en reste…
L'imaginaire francophone
par robin
Auteure de la saga fantasy jeunesse Tara Duncan, qui raconte l’histoire épique de l’héroïne éponyme au travers des divers mondes qui composent AutreMonde, l’univers de la saga, Sophie Audouin-Mamikonian est probablement le nom le plus connu de ce quatuor. Après la traduction des douze tomes de cette saga dans diverses langues à travers le globe, elle signe une adaptation en dessin animé de ses héros, ainsi que des produits dérivés comme les livres pour enfants, eux-mêmes issus du dessin animé. Présente sur beaucoup de réseaux sociaux, l’auteure est très proche de sa communauté de « taraddicts », avec laquelle elle adore passer du temps en dédicace. Au-delà de cette saga, l’auteure compte également à son actif la saga des Indiana Teller ou des spin-offs de Tara Duncan. Plus récemment, son tout nouveau roman Destins Inachevés est paru en librairie, dans un style assez différent de ses romans habituels.
C’est avec Tara donc que je commence ma longue vie de lectrice de littérature de l’imaginaire. Plongeant un après-midi de septembre dans l’univers riche et effervescent d’AutreMonde, je me plais à imaginer les personnages et créer moi-même des théories sur ce qu’il pourrait se passer dans les suites. Très vite, les pages défilent et je termine le roman en une journée, un vrai record pour moi à ce moment-là ! Je continue donc la saga, achetant tome après tome, grandissant en même temps que l’héroïne puisque j’avais également douze ans lors du premier tome et que j’attendais un an entre chaque ! J’attendais chaque tome avec frénésie, ne réussissant pas à trouver d’autres univers aussi addictif que celui-ci. Même lorsque j’essayais de parler des miens, je ne parvenais pas à les rendre aussi intéressants et intrigants. C’est dans cet état d’esprit que je découvre ensuite le monde d’Oksa Pollock.
Issu du duo explosif que forment Anne Plichota et Cendrine Wolf, Oksa est l’archétype même de l’héroïne de littérature jeunesse. Ordinaire, simple, un peu effacée et coupée du monde, légèrement différente, aussi proche d’un possible lecteur qu’elle peut l’être. J’avais environ quatorze ans, je découvrais Londres à travers les yeux d’Oksa, puis son monde à elle. Plus proche et moins déjanté qu’AutreMonde, celui d’Oksa se trouve simplement dans une réalité parallèle, avec des codes et une société plus proches des nôtres. Ainsi, après la folie fantasy, j’apprenais à connaître quelque chose de plus calme, mais tout aussi addictif. Si le destin a voulu qu’Oksa et Tugdual soient tous deux les héros de la saga mais aussi un couple, ce sont les personnages de Zoé et Gus qui m’ont le plus marquée. Des personnages mentalement très forts et capables de choix incroyablement courageux pour des adolescents, ils m’ont fascinée. Avec eux, je découvris le pouvoir de l’écriture et surtout l’envie de partager, moi aussi, mes univers et idées de personnages.
À partir de là, mes parents l’ont bien compris : ça sera de la littérature de l’imaginaire ou rien du tout. Alors, quitte à me lancer là-dedans, autant que ça soit avec des « grands » : Barjavel, Asimov, j’en ai reçu, des romans ! Pourtant, si mon style littéraire s’affinait avec la pratique et la lecture de si grands (et bons !) auteurs, mon esprit d’enfant était mécontent. Bien que leurs univers soient extrêmement bien travaillé, intéressant et d’un pur génie, j’avais aussi besoin de parfois couper un peu l’intellectuel et me replonger dans un univers plus explosif et humoristique. Et ça tombe bien, mon libraire avait justement un (énorme) cadeau pour moi… une séance de dédicace ! Je vous rassure, pas par moi. Mais par un auteur que je ne connaissais pas du tout et dont l’univers me semblait… pour le moins curieux. Intriguée comme je l’étais et toujours à la recherche d’une pépite, comment dire non ?
Vous l’aurez compris, il s’agit d’Alexandre Moix. Bien que presque inconnu avant cette date, il a su changer ma vision de la littérature de l’imaginaire de manière assez drastique. Si avant, je pensais qu’il me fallait inventer un monde et des créatures étranges pour faire rire et plaire, j’ai radicalement changé d’avis après la lecture de cette quadrilogie ! Avec son premier tome, À la recherche du Kraken, Alexandre Moix nous livre donc l’histoire de quatre jeunes de dix à dix-sept ans, Adèle l’aînée, Boris et Béa les jumeaux et Thomas, le petit « geek », accompagnés de leur suricate surdoué Nono (fan de marshmallow grillé au miel) avec pour thème la cytozoologie. Je suis d’accord, sur le moment, ça peut paraître assez loufoque. Et… c’est plus ou moins le cas. Chaque tome porte sur une créature soi-disant mythique mais dont on a plus ou moins la preuve qu’elle a existé (Kraken, Olgoï-Khorkhoï, Chupacabra et Mothman) venant d’un pays différent.
Je découvre avec A. Moix la puissance des relations entre les personnages, les sous-intrigues policières avec les « méchants » de la secte V.I.T.R.I.O.L, mais surtout la cytozoologie. Non pas que je n’en avais jamais entendu parler, mais je ne m’y étais jamais intéressée. Désormais, trop tard pour reculer : je suis lancée. En l’espace de deux ans, j’ai lu, écouté et vu tout ce que je pouvais trouver sur ces créatures de légendes, plus que fascinée. Alexandre Moix est probablement l’un des derniers auteurs de littérature imaginaire que j’ai lu et qui m’a profondément marquée. Ses récits ont résonné en moi, à tel point que même cinq ans après, je me souviens parfaitement de ses personnages, de son humour et même du scénario des quatre tomes. Devenue fan de Nono, le petit suricate utilisé comme « comique » de situation, c’est presque par hommage à cet auteur que je glisse toujours une allusion à ses œuvres ou que je cale un petit animal mignon et drôle dans mes écrits.
Ces quatre auteurs n’ont en commun que leur genre de littérature et leur nationalité. Pourtant, tous ont marqué une partie de ma vie, de ma façon de penser et surtout d’écrire. Chacun a su, de par ses mots et son style, me donner envie de partager mes univers, mes personnages, avec un style qui m’est propre. Ces auteurs m’ont permis de construire mon futur alors que je n’en étais même pas consciente. Cette fameuse littérature de l’imaginaire m’a vue grandir, me voit toujours évoluer autant que moi, je la vois évoluer. Selon les dires, c’est une littérature « pour enfants » parce que les thèmes abordés sont « toujours » légers et risibles. On me rit au nez parfois, quand on me croise avec un Percy Jackson ou bien le nouveau Tara Duncan. « Tu es une adulte, il faut lire des choses d’adultes ! » me dit-on.
Eh bien moi je vous le demande, est-ce un crime de vouloir rêver ?
* Romans SFFF = romans de science-fiction, fantasy ou fantastique.
ROBIN
