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La littérature « africaine » – entre guillemets, parce que parler de littérature africaine est aussi absurde que de parler de littérature européenne, on est bien d'accord –  est souvent méconnue de nous, alors qu'une bonne partie est francophone et que l'excuse des mauvaises traductions n'est donc pas valable. De manière générale, on ne va pas se mentir, on est nombreux.ses à ne rien connaître ou presque de l'Afrique et à fourrer derrière ce terme tout ce qui renvoie de près ou de loin au continent. Cet article n'a pas pour but de chercher pourquoi – même s'il n'y a pas besoin d'être devin pour le comprendre. Je souhaitais plutôt vous donner quelques pistes si vous souhaitez découvrir la littérature africaine – attention, c'est donc très général et on pourrait bien entendu faire tout une sélection par pays ou par thèmes... J'en profite pour souligner que je suis loin d'être une experte dans le domaine : je débute tout juste mes lectures, mais je souhaitais vous donner quelques idées pour savoir, peut-être, par quoi commencer. 

 

Quelques idées de lectures

 

africaines,

par Matt'

 

 

Amkoullel l'enfant peul d'Amadou Hampaté Bâ : 

 

Je pense que c'est vraiment un incontournable pour commencer à s'immerger dans la littérature africaine – vous en avez peut-être déjà entendu parler, parce que le livre a eu un certain succès. Il s'agit du récit oral de la vie de l'auteur – transcrit à l'écrit par une tierce personne. Amadou Hampaté Bâ est né au début du XXe siècle dans l'actuel Mali. Ce récit raconte son enfance au milieu des bouleversements qui secouent son peuple. Il est réquisitionné très tôt pour l'école française de Bandiagara et subit la colonisation progressive de la société. En plus d'apprendre de nombreux points de l'histoire du Mali au début du siècle dernier, le récit fourmille de détails cocasses ou marquants qui rendent la lecture captivante. 

 

Photo de groupe au bord d'un fleuve d'Emmanuel Dongala : 

 

Ce roman a été mon coup de cœur de l'année passée. Le résumer est simple : un jour, dans un pays qu'on devine être le Congo (Kinshasa ou Brazza, je suis moins sûre), un groupe de femmes casseuses de pierre décide de se mettre en grève jusqu'à ce que leur salaire soit considérablement augmenté. Le style est très particulier puisque le roman est écrit à la deuxième personne du singulier – bien que se concentrant uniquement sur le personnage central, la meneuse du groupe. Et je dois dire que c'est une franche réussite : j'ai été complètement happée par la plume et j'ai difficilement levé l’œil du livre avant la fin. Je me suis attachée aux personnages, puisqu'on suit l'histoire et le quotidien d'une bonne partie du groupe de casseuses de pierre, ainsi que d'autres personnages qui gravitent autour. Ce roman, résolument féministe, évoque de nombreux problèmes actuels que l'on retrouve en Afrique tels que la corruption des gouvernements, la violence systémique et particulièrement à l'égard des femmes, la place des femmes dans la société et leur situation toujours précaire, entre autres. C'est un roman passionnant, à mettre dans toutes les mains. 

 

Ce que murmurent les collines de Scholastique Mukasonga : 

 

Un recueil de nouvelles qui se dévore tout seul. L'écriture de Scholastique Mukasonga nous plonge dans le Rwanda des traditions orales et des légendes des ancêtres. On passe de contes traditionnels sur l'histoire des peuples à des récits plus quotidiens sur la vie au Rwanda. Vous pouvez aussi vous plonger dans d'autres recueils de nouvelles de la même auteure ou des romans qui se passent aussi au Rwanda, mais je trouve que celui-ci est une bonne première pour découvrir un peu la littérature et la culture rwandaise. 

 

Une si longue lettre de Mariama Bâ : 

 

Un grand classique au Sénégal, ce livre a été publié dans les années 1980. Sous forme de lettres, une femme raconte les problèmes qu'elle rencontre lors de son veuvage à son amie de toujours. Ce roman épistolaire aborde de nombreux thèmes qui sont, malheureusement, toujours d'actualité au Sénégal et dans d'autres pays d'Afrique : le problème de la polygamie, la situation précaire des femmes dans une société dominée par les hommes, l'éducation des jeunes, les mariages arrangés... Cette énumération peut donner envie de fuir mais je vous assure que ce roman n'est pas trop déprimant. Et surtout, il évoque et dénonce des problèmes de société majeurs avec une plume efficace et haletante. Un roman féministe et puissant que je conseille à tout le monde, sans exception. 

 

La belle de Casa, d'In Koly Jean Bofane : 

 

Avec ce roman, on s'éloigne radicalement des thèmes précédents. L'aspect romanesque est bien plus présent et exploité que dans d'autres œuvres que j'ai pu citer précédemment. La Belle de Casa, c'est l'histoire d'une jeune femme morte à Casablanca et de ceux qui la connaissaient. À travers différents personnages et leurs cheminements intérieurs, l'auteur nous dépeint une fresque très actuelle – du migrant congolais qui échoue au Maroc à la femme fatale qui doit expulser des migrants africains de leurs logements, en passant par de nombreux escrocs ou brutes des quartiers. Plus que l'histoire, c'est le style qui m'a happée : la poésie de la plume est vraiment un délice, tout en abordant à travers une intrigue très romanesque, des problèmes de société actuels. 

 

Purple Hibiscus, de Chimamanda Ngozi Adichie : 

 

Ce roman est lui aussi plus tourné sur la fiction pure. C'est l'histoire de Kambili, une adolescente de quinze ans, et de son frère, Jaja. Ils vivent au Nigéria, sous l'ombre menaçante de leur père Eugene, un riche notable mais radical dans l'application de la religion catholique. Un jour, un coup d’État fragilise la position de leur père et les deux jeunes sont envoyés chez leur tante. Là-bas, l'ambiance y est tout autre : certes, le foyer est moins riche que le leur, mais il est aussi beaucoup plus accueillant (on peut même y entendre des rires !) Bien que cela ne soit pas le thème central, on retrouve en toile de fond un Nigéria déchiré par la guerre civile et l'instabilité politique. Le fossé entre les riches et les pauvres est aussi abordé, ainsi que les différences culturelles et religieuses. Le tout est servi par une plume simple mais fluide et prenante, qui nous baigne dans la culture et certaines traditions nigérianes. Non seulement l'intrigue est passionnante et parfaitement maîtrisée, mais les personnages possèdent tous une psychologie fine et fascinante. Petit conseil, si vous le pouvez, je pense qu'il est mieux de lire le livre en anglais pour ne rien perdre de la richesse de la plume. Enfin, je n'ai pas encore lu les autres romans de l'auteure, mais je peux vous les conseiller tout de même si vous préférez commencer par ceux-là – Half of a Yellow Sun se passe pendant la guerre civile nigériane et Americanah raconte la difficile intégration d'une nigériane aux États-Unis. 

 

Aya de Yopougon de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie : 

 

Je termine par une petite bande-dessinée, pour celleux qui n'ont pas encore le courage de se lancer dans plus long. Aya de Yopougon est une saga en six tomes qui se déroule à Yopougon, un quartier d'Abidjan, en Côte d'Ivoire, en 1978. Même si le dessinateur est français, j'ai choisi de vous parler de cette saga parce qu'elle décrit avec justesse (la scénariste Marguerite Abouet a grandi à Abidjan) et beaucoup d'humour la vie de quartier de l'époque. Elle se concentre particulièrement sur les jeunes gens, mais on retrouve toute une galerie de personnages très complète. C'est, je trouve, ce qui fait la force et tout l'intérêt de cette saga : les personnages hauts en couleur sont extrêmement bien dépeints. Les dialogues sont succulents et les dessins permettent de se plonger directement dans la vie de quartier (le dessinateur a tout de même voyagé en Côte d'Ivoire). C'est drôle, beau et juste et à la fin des six tomes, on aimerait bien prolonger la lecture. 

 

Et aussi... 

 

Ma liste n'est absolument pas exhaustive – elle contient en fait les œuvres dont j'avais envie de vous parler actuellement. Je voulais vous donner d'autres pistes si jamais le sujet vous intéresse mais que vous n'avez pas envie de commencer par les livres que j'ai proposés, ou même si ceux-ci ne sont pas ceux que vous avez sous la main actuellement. Vous pouvez bien sûr vous plonger dans un livre de l'ivoirien Ahmadou Kourouma comme En attendant le vote des bêtes sauvages – un roman qui dénonce de manière à peine voilée les gouvernements despotiques africains. L'auteur a d'ailleurs donné son nom à un prix qui récompense un essai ou un ouvrage de fiction consacré à l'Afrique noire chaque année. Si vous souhaitez vous plonger dans les problématiques des immigrants africains arrivés en Europe, je vous conseille les nombreux romans de Léonora Miano, elle-même originaire du Cameroun. Tierno Monémembo, guinéen, raconte l'histoire de son peuple, les Peuls, et de sa région d'origine le Fouta Djallon. Dans un genre différent, le roman historique Un océan, deux mers, trois continents de Wilfried N'Sondé narre l'histoire d'un jeune kongolais qui se retrouve sur un bateau plein d'esclaves en partance pour le Nouveau Monde au XVIe siècle. Enfin, Petit Pays de Gaël Faye vous plongera au cœur du génocide des Tutsi par les Hutu en 1994 – pas très gai, mais essentiel pour comprendre le drame qui a secoué le Rwanda, le Burundi et de nombreux pays voisins en 1994. 

 

 

J'espère que ma petite sélection vous aura interpellé et qu'elle vous aura donné envie de vous pencher un peu plus sur la littérature des pays d'Afrique. Je n'ai pas évoqué tous les pays (il y en a trop !), peu ou pas des régions entières de l'Afrique, mais je pense que ces quelques livres vous donneront déjà un petit aperçu intéressant.

matt'
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