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Je vous vois déjà partir en courant, rien qu'à la lecture du titre de l'article (vous n'êtes peut-être même pas restés pour lire le début : vous ne savez pas ce que vous ratez). Pourquoi ai-je choisi de faire mon article sur un nom qui rappelle sans doute de mauvais souvenirs à nombre d'entre vous (et c'est tellement dommage) et qui, pour ceux qui n'ont pas eu le bonheur d'étudier une de ses œuvres en classe, sonne comme tous ces auteurs du XIXe siècle : à mourir d'ennui ?
Eh bien, justement, figurez-vous que l'un des personnages bien connu de Gustave Flaubert en meurt aussi (de quoi ? Mais oui, d'ennui). Je ne vous ai pas encore convaincus ? Attendez, ça va venir !
Gustave Flaubert
par Matt'
Gustave, sa vie, son œuvre
Sa vie
Je ne vais pas vous faire une biographie détaillée, mais notons tout de même qu'il est né en 1821 à Rouen (mais si, cette information a son importance) et mort en 1880 à Croisset. C'est donc un authentique écrivain du XIXe siècle. Son père est chirurgien et son enfance à Rouen n'est, d'après ce qu'il en dit, pas spécialement heureuse. Il fait des études de droit à Paris mais passe déjà son temps à écrire. Il abandonne rapidement ses études, non sans avoir mis à profit son temps à Paris pour rencontrer des écrivains tels que Victor Hugo. Il retourne vivre à Croisset, à côté de Rouen et, dès 1846, peut vivre de ses rentes suite à la mort de son père et de sa jeune sœur. Il tombe amoureux de plusieurs femmes dans sa vie, mais l'une des plus importantes est Louise Colet, avec laquelle il entretient une correspondance régulière dans laquelle il évoque à de nombreuses reprises le travail d'écrivain (entre autres).
Notons qu'il se rend à Paris en 1848 pour assister à la Révolution qui renverse le pouvoir monarchique en place et instaure la Deuxième République. Il effectue d'autre part un voyage en Orient entre 1849 et 1952, source d'inspiration dans nombre de ses écrits, dont Salammbô. Tout au long de sa vie, il fréquente les salons littéraires et rencontre de nombreuses personnalités connues dans le domaine de l'écriture (George Sand, Théophile Gautier, les frères Goncourt...)
L'un des faits qui m'a le plus marquée, le concernant, c'est sa pratique du « gueuloir ». Afin de vérifier que ses phrases sonnaient bien, l'écrivain les répétait tout haut et les modifiait jusqu'à ce que cela lui convienne. Autant vous dire que le niveau d'exigence du monsieur était élevé.
Son œuvre
De son œuvre, j'ai lu L’Éducation sentimentale, une partie de Salammbô (j'ai toujours prévu de le terminer ; un jour) et Madame Bovary (que j'ai aussi étudié en long, en large et en travers). Néanmoins, je vais principalement évoquer Madame Bovary et L’Éducation sentimentale, déjà parce que je ne vais pas vous parler de ses œuvres que je n'ai pas lues, et ensuite parce que ces deux romans sont considérés comme deux romans majeurs du XIXe siècle, des classiques incontournables. Et ce n'est pas tout à fait faux, si vous voulez mon avis...
Commençons par mon petit favori, Madame Bovary. De quoi ça parle ? Concrètement, d'une femme mal mariée, qui s'ennuie, s'imagine et se rêve des tas d'autres vies que celle qu'elle vit, dans la campagne profonde normande. C'est l'histoire d'une femme qui a trop lu (Emma Bovary), ou alors, trop de livres qu'elle n'aurait pas dû lire, qui lui ont donné une vision faussée de la vie. Gustave Flaubert s'est inspiré d'un fait divers pour écrire ce roman. Ce dernier traite de nombreux thèmes, dont en vrac : la désillusion amoureuse, la mort, l'ennui, les relations hommes/femmes et bien sûr, la lecture et ses influences. Peut-être que comme ça, ça ne fait pas rêver ; pourtant, ça serait tellement dommage que vous passiez à côté !
L’Éducation sentimentale se centre plutôt sur un jeune homme, Frédéric Moreau. Un jour, il rencontre par hasard une femme dont il tombe éperdument amoureux. Problème : elle est mariée. Un problème qui n'en n'est pas forcément un, vous me direz. Sauf que pour le jeune homme, si, un peu quand même. Il s'en va faire ses études à Paris, rencontre des tas d'intellectuels et révolutionnaires, voit le régime changer à plusieurs reprises (le roman se passe entre 1840 et 1867). Là encore, c'est l'histoire d'un jeune homme plein de rêves, qui enchaînera désillusion sur désillusion. On retrouve une vision très pessimiste sur la vie en général, même si c'est aussi le cas dans Madame Bovary. La déception amoureuse, là encore, est au rendez-vous, ainsi que la déception en général. Je sais que ce programme très réjouissant vous donne encore plus envie de découvrir l’œuvre de Gustave Flaubert (mais patience, je ne vous ai pas encore tout dévoilé !)
Gustave Flaubert et le romantisme
Dans ces deux romans, on sent l'influence du romantisme : mais si, vous savez, ce mouvement littéraire que vous avez probablement étudié au lycée, très en vogue au XIXe siècle, représenté par des auteurs tels que Chateaubriand, Victor Hugo, Stendhal ou encore Lamartine. Le romantisme a nourri le jeune Gustave Flaubert, tout comme ses deux personnages, Emma et Frédéric.
Mais le romantisme, c'est quoi ? Difficile de le définir dans un article, mais je vais essayer de simplifier les choses. Né en opposition au classicisme (le mouvement littéraire précédent, qui s'appuyait sur les œuvres écrites par les Anciens de l'Antiquité), le romantisme c'est d'abord la redécouverte de la subjectivité et du « moi ». Néanmoins, on y retrouve d'autres thèmes récurrents, comme l'épanchement des sentiments, la célébration de la nature ou encore l'appel de l'exotisme et la démesure de la passion. Pour mieux saisir toutes les subtilités de ce mouvement littéraire, je vous renvoie à l'article du Larousse en ligne qui me paraît très complet. Si vous avez lu quelques auteurs romantiques, vous vous souvenez forcément de certains de ces thèmes.
Mais alors, qu'est-ce que le romantisme a à voir avec Gustave Flaubert ? Comme je vous disais plus haut, Gustave Flaubert a grandi avec ces œuvres romantiques. Elles l'ont donc nécessairement influencé... mais peut-être pas en bien. C'est en tout cas ce qu'on peut supposer à la lecture de Madame Bovary ou de L’Éducation sentimentale, dans lesquels les personnages principaux ont eux aussi lu des œuvres romantiques et en ont hérité une vision de la vie qui ne les aide pas vraiment à trouver le bonheur.
Ce qui est intéressant, c'est que Gustave Flaubert lui-même semble par moments tiraillé par sa propre éducation romantique : il en critique les méfaits mais on peut retrouver certaines caractéristiques du mouvement dans certaines de ses œuvres, bien que l'auteur soit classé dans un autre mouvement, le réalisme.
Et le réalisme au fait, qu'est-ce que c'est ? Plus facile de le deviner par le terme employé : en opposition au romantisme, le réalisme vise à décrire le réel de la façon la plus fidèle possible. Si je vous cite Émile Zola, vous voyez certainement mieux de quoi il s'agit. Gustave Flaubert, dans ses romans, du moins les deux que j'ai cités, décrit des situations et des personnages qui se veulent réalistes. Madame Bovary est, après tout, inspiré d'un fait divers tandis qu'il s'inspire beaucoup de sa propre vie pour écrire L’Éducation sentimentale. Madame Bovary comporte d'ailleurs le sous-titre « Mœurs de province », ce qui témoigne d'une volonté de décrire des « mœurs », celles des habitants de la campagne normande. Les sujets sont donc bien réalistes, mais pour le style, c'est plus discutable.
Bien sûr, Gustave Flaubert a écrit d'autres œuvres : La Tentation de saint Antoine, Mémoires d'un fou, Bouvard et Pécuchet, son Dictionnaire des idées reçues ou encore, de nombreuses lettres et autres récits. L'idée n'était pas de vous rendre incollable sur son œuvre, mais simplement de vous en esquisser quelques contours.
Pourquoi lire Gustave Flaubert aujourd'hui ?
À ma lecture de Madame Bovary (et aussi à celle de L’Éducation sentimentale, même si dans une moindre mesure), j'ai déjà passé un excellent moment. Est-ce qu'il y a d'autres arguments meilleurs que celui-ci pour vous convaincre qu'on peut encore le lire aujourd'hui ?
Alors, certes, sa plume ne plaira pas forcément à tout le monde. Personnellement, je demeure très admirative de son style (certainement aussi parce que je l'ai étudié dans le détail en classe). Vous me direz peut-être que c'est toujours ce pour quoi on plébiscite un auteur dit « classique »... eh bien, je ne suis pas forcément d'accord. Mais là n'est pas la question : je trouve en tout cas que la plume de Gustave Flaubert reste assez accessible (attention, je ne dis pas que c'est la lecture la plus relaxante du monde, peut-être que si vous cherchez une lecture de plage, il vaut mieux éviter par exemple). Ses descriptions, sa manière de camper ses personnages (de manière réaliste, comme je l'ai évoqué plus haut) mais aussi d'évoquer leurs sentiments et leurs rêveries, ainsi que sa façon d'évoquer la vie en général, m'a tout simplement séduite.
Attention, ce n'est pas parce que ses romans sont dits réalistes que cela ne consiste qu'en de longues descriptions très détaillées sur l'environnement des personnages : je vous arrête tout de suite, la plume de Gustave Flaubert n'a rien à voir avec celle de Zola. Je la trouve d'ailleurs bien plus poétique (mais ce ne sont là que des avis personnels, évidemment).
Et puis, les personnages de Gustave Flaubert résonnent tous étrangement en moi. Que ce soit Emma Bovary ou Frédéric Moreau, en dépit de leurs nombreux défauts, je les ai trouvés, eh bien, humains. Peut-être est-ce lié au fait que Gustave Flaubert a mis un peu de lui dans chacun.e, mais je pense que ses personnages peuvent rappeler certains comportements actuels. Ils ne sont pas figés dans une époque et c'est en cela qu'ils sont très puissants. Même si c'est un peu réducteur, Emma Bovary n'est pas sans me rappeler certaines femmes qui rêvent du prince charmant et Frédéric Moreau, des jeunes hommes plein d'attentes et d'espoirs dans la vie.
Enfin, ce que j'aime par-dessus tout chez Gustave Flaubert, outre sa plume incisive, c'est son éternelle ironie, doublée de son pessimisme. Ça peut sembler étrange, d'aimer lire des livres pessimistes, mais par moments ça en devient presque drôle (si si, je vous assure !) Et ça n'est pas si déprimant que ça – du moins, en comparaison d'autres auteurs comme Émile Zola, par exemple. Même s'il faut bien avouer que la vision de la vie de Flaubert, en tout cas à la lecture de ses romans, n'est tout de même pas très positive.
Pourquoi avoir choisi Gustave Flaubert ?
Bon, déjà, vous l'aurez compris après avoir lu cet article, l’œuvre de Gustave Flaubert m'a beaucoup marquée, notamment parce que je l'ai étudiée et que j'ai passé un bon moment dessus, mais surtout, parce que j'ai adoré découvrir cet auteur.
Cependant, il y a quelques autres raisons : je pense que c'est un auteur très intéressant, justement parce que, comme on l'a vu au-dessus, il est plus difficilement « classable » dans un mouvement littéraire précis. À sa lecture et si on a lu d'autres œuvres du XIXe siècle, on sent bien qu'il détonne un peu. En même temps, de nombreuses influences peuvent se faire sentir et je trouve que c'est donc un bon moyen de connaître un peu mieux la littérature du XIXe siècle. À la croisée entre romantisme et réalisme, selon ses œuvres et ses envies, il est un cas tout à fait passionnant.
D'autre part, comme je vous l'ai également dit au-dessus, je trouve que sa plume vaut vraiment le détour.
Enfin, je trouve que la personne même de Gustave Flaubert est fascinante : « Madame Bovary, c'est moi ! » se serait-il exclamé un jour. Sa vision désenchantée de la vie, ses réflexions sur la littérature et ses fameux « gueuloirs » m'ont profondément marquée. Il ne vous reste plus qu'à le découvrir par vous-même !
Matt'

Sources
https://fr.wikipedia.org/wiki/Gustave_Flaubert
http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/le_romantisme_en_litt%C3%A9rature/185879
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