

la CUISINE NORVÉGIENNE
par Aliocha
Hei ! Comment ça la haute gastronomie est un fief français avec quelques domaines cédés aux Italiens ? Le Bocuse d’Or a beau avoir été créé par un Français, les pays scandinaves n’ont pas à rougir de leurs prestations et ont raflé sept médailles d’or depuis 1987, dont cinq pour la Norvège ! Comment expliquer le voile d’ignorance qui occulte ce pays ? Quels sont les atouts qui lui ont permis de se faire une place sur le devant de la scène gastronomique mondiale ? Et, surtout, quels en sont les incontournables ?
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Quelques mots d’histoire
La Norvège fait partie de la Scandinavie, qui est également constituée du Danemark, de l’Islande et de la Suède. La Finlande, bien qu’influencée par les migrations germaniques passées essentiellement par la Suède, puise une part non négligeable de ses racines dans l’Europe de l’Est, ce qui lui confère encore aujourd’hui des liens avec la Russie et qui lui apporte un statut particulier. En 1523, le Danemark impose sa souveraineté à la Norvège, annexant du même coup les terres norvégiennes d’Islande et les îles Féroé. Cette unité politique dure jusqu’en 1814, date à laquelle le Danemark cède ces terres au royaume de Suède au sortir du conflit anglo-français, dont le jeu des alliances a opposé les deux voisins, ce qui marque le début de l’émergence d’une constitution norvégienne et de la marche vers l’indépendance, qui ne sera obtenue qu’en 1905.
Ces éléments de contexte historique sont importants afin de comprendre combien la Norvège a vécu au ralenti pendant ces siècles d’annexion et combien l’influence danoise y est encore profondément ancrée, jusqu’à la langue longtemps officielle, le bokmål (dano-norvégien), désormais concurrencée par un mélange de dialectes régionaux, le nynorsk. Les deux territoires sont par ailleurs profondément antagonistes.
Le Danemark est une péninsule entourée d’îles d’une superficie totale d’à peine moins de 43 000 km², très propice aux activités agricoles grâce à ses vastes étendues planes et à son climat homogènement tempéré, alors que la Norvège est un pays tout en longueur de plus de 385 000 km², hérissé de montagnes et au climat variant selon la latitude. Il paraît donc évident que le royaume danois avait plus intérêt à développer l’agriculture sur son propre territoire et négligeait celui de la Norvège.
De plus, la montée en puissance de la Hanse (association de villes marchandes autour de la mer du Nord et de la mer Baltique), si elle intégrait quelques comptoirs norvégiens tels que Bergen, n’a finalement que peu stimulé le développement régional en mettant l’accent sur ses intérêts exclusifs. De fait, les Norvégiens se sont longtemps contentés de la pêche, de la chasse au renne dans le Nordland, de la culture de la pomme de terre et de la cueillette de baies afin de subvenir à leurs besoins quotidiens en apports caloriques, augmentés par la rigueur du climat, et maintenir l’existence de leurs exportations.
Il faut attendre 1962 et la découverte d’importants gisements d’hydrocarbures pour assister à l’émergence de la Norvège et à l’amélioration rapide de son niveau de vie, et pour voir de plus en plus de Norvégiens partir à la découverte du monde, notamment le sud de l’Europe, et en revenir avec de nouvelles tendances alimentaires, telles que les fast food mais également de nouvelles idées d’alchimie gustative.

Norvégien « libre, toujours tu chériras la mer »
La Norvège entretient un lien étroit avec la nature et plus encore avec la mer. Bergen, l’ancienne capitale, est d’ailleurs connue pour son marché au poisson où se côtoient saumons, truites, harengs fumés ou non et… steaks de baleine... En effet, avec l’Islande et le Japon, la Norvège est l’un des derniers pays à pêcher la baleine, revendiquant cette pratique comme ancrée dans sa culture, malgré la menace d’extinction du cétacé.
Si l’on peut lui reprocher certaines consommations et l’élevage intensif du saumon reconnu nocif pour la santé par le gouvernement norvégien, la Norvège est citée comme référence en pêche durable par WWF grâce à sa maîtrise des techniques de gestion des stocks de cabillaud sauvage, le Skrei, dans la mer de Barents. La survie de cette population était menacée il y a une vingtaine d’années, tout comme de nombreux représentants de l’espèce à travers le monde, mais elle est désormais la seule à avoir progressé. L’excellence de sa qualité est due à un savoir-faire transmis de génération en génération dont on retrouve des traces dès le Ier siècle dans la saga d’Egill. Les premières exportations de cabillauds séchés débutent au XIIe siècle.

Petit point recette : Le Skrei de Norvège, le « poisson de l’amour »
Le Skrei se pêche et se consomme de janvier à avril. Il est notamment conseillé par le Centre des produits de la mer de Norvège à l’occasion de la Saint-Valentin.
Temps de préparation : 15 min
Ingrédients :
● 400 g de cabillaud Skrei de Norvège
● 8 tomates cerise
● 1 cuillère à soupe de moutarde à l’ancienne
● 1 cuillère à soupe d’huile d’olive
● 1 cuillère à soupe de persil ciselé
● 1 cuillère à soupe de basilic ciselé
● 3 cuillères à soupe de chapelure
● 1 pincée de sel
● 1 pincée de poivre
Préchauffer le four à 180° C (th 6). Couper le dos de cabillaud Skrei de Norvège en portions et les disposer dans un plat allant au four très légèrement huilé. Saler et poivrer puis tartiner les portions de moutarde avant de les recouvrir d’un mélange de chapelure, persil, basilic et huile d’olive légèrement salé.
Couper les tomates cerise en deux, disposer dans le plat et recouvrir avec le même mélange de chapelure. Puis enfourner le plat pendant 15 minutes. Accompagner le plat si possible d’une ratatouille ou d’une purée à l’huile d’olive (pommes de terre écrasées à la fourchette, huile d’olive, basilic, poivre et gros sel).
En outre, avec ses 1 878 953 km² de zone de pêche, la Norvège offre un large panel de poissons à déguster comme spécialités locales :
● le lutefisk : poisson séché puis réhydraté dans de l’ammoniaque, dégusté mélangé à de la purée de petits pois, de bacon et de pommes de terre, généralement servi à Noël ;
● le boknafisk : servi dans le nord du pays, un poisson à demi séché au goût corsé, accompagné des pommes de terre en robe des champs et de lard fondu ;
● les fiskeboller : des quenelles de poisson à la sauce béchamel ;
● la bergensk fisksuppe : une soupe à la crème de poisson, de fruits de mer et de légumes, proposée à Bergen ;
● le spekesild : du hareng mariné, servi avec de la crème aigre, des airelles rouges et du pain azyme.
La douce alchimie de l’agriculture locale et des herbes sauvages
Les produits locaux ont une place de choix dans la cuisine norvégienne et leur multitude laisse ambitionner une autosuffisance alimentaire pour le pays, même si leur coût est significativement plus élevé que les produits importés.
Outre le poisson, le palais norvégien apprécie la viande sous toutes ses formes. Un plat national, le kjøttboller, est cuisiné à partir de boulettes épicées de bœuf haché en sauce. Mais pour un plus grand exotisme et une viande beaucoup plus goûtue, il faut se tourner vers l’élevage de hardes de cerfs, de rennes ou d’élans qui se consomment en morceaux séchés ou préparés en charcuterie. On retrouve également le renne en boulettes ou en finnebiff, des tranches arrosées de sauce d’airelles.
Peut-être plus conventionnel, le mouton norvégien est considéré comme l’un des meilleurs au monde. Élevé à l’année au sein de vastes et riches pâturages courus par des torrents d’eau de source, sa chair est particulièrement tendre et savoureuse. Il tient, de plus, une place non négligeable dans les programmes d’agriculture durable puisqu’il participe à l’entretien des paysages et son abattage s’emploie à ne rien gaspiller, ce qui donne naissance à des plats insolites.
Par exemple, la smalahove, une tête de mouton généralement présentée au Julmat (le repas de Noël, Noël étant dit « jul »), a de quoi troubler, et on raconte qu’en manger est preuve d’intégration culturelle. Avis aux intéressés…
Sinon, le fenalår est un peu plus conventionnel : un gigot de mouton longuement séché selon un procédé qui fait l’objet d’une appellation géographiquement protégée, servi avec de la crème fraîche, ou alors le pinnekjøtt, un carré d’agneau ou de mouton salé dans de la saumure ou du sel de mer proposé en Norvège des fjords à Noël. Vous l’aurez remarqué, il existe autant de plats traditionnels pour fêter Noël que de régions, voire de dialectes.
Mais qu’ajouter pour accompagner ces chairs savoureuses ?
La plupart des fruits et légumes sont relativement chers et fades car cultivés en serres, c’est pourquoi les accompagnements les plus remarquables sont ceux à base de pommes de terre croquantes ou bouillies et de fruits de saison ajoutés tels quels ou déclinés en sauce ou en confitures. En particulier les fraises de Valldal qui sont souvent excellentes et les airelles, les tyttebær, légèrement acidulées, qui se marient très bien avec le gibier. Elles sont le plus souvent cultivées dans la région d’Hardanger, qui en a fait une attraction touristique. Il ne faut pas oublier la multitude de pains aux différentes textures : du grovbrød, un pain complet, à la baguette en passant par le flatbrød, un pain azyme.
Petit point recette : le pinnekjøtt, les travers d’agneau séchés
Ingrédients :
● 1,4 kg de carré d’agneau salé, séché et fumé
● de la purée de chou-navet
● des pommes de terre
● de la confiture d’airelles
Découper les côtes du carré le long des os. Mettre à tremper une nuit dans de l’eau froide.
Dans une grande casserole, placer la viande dans un panier au-dessus d’un fond d’eau affleurant le fond du panier. Cuire à la vapeur à feu moyen jusqu’à ce que la viande se détache des os.
Préparer en parallèle la purée de chou-navet, les pommes de terre et la confiture d’airelles que l’on ajoute à l’envi à l’issue de la cuisson.
Il serait dommage de terminer ce bref périple au pays des fjords sans évoquer un autre savoir-faire typique : l’aquavit, prononcé « akevitt ». Fabriquée à partir de pommes de terre et parfumée au cumin, à l’anis ou à la coriandre, elle est idéale pour accompagner un poisson gras comme le saumon. La Linie Aquavit a par ailleurs la particularité de voyager cinq mois sur le pont des navires et de franchir deux fois l’Equateur pour obtenir son appellation et cette saveur si recherchée. Ce mode de macération peut paraître étonnant et a vu le jour de manière totalement fortuite. En effet, en 1805, la famille Lysholm exporta ses tonneaux d’aquavit imbibés de Xérès en Inde et en Australie. Malheureusement, l’eau-de-vie ne rencontra aucun succès et l’on retourna les tonneaux en Norvège et, cinq mois plus tard, on découvrit que cette longue macération avait été bénéfique.
Les bières artisanales sont également de très bonne qualité et, en boissons non alcoolisées, les différents jus de fruits ne sauraient être trop recommandés.
La cuisine norvégienne est donc à l’image de son pays : haute en couleurs, agréablement variée et pleine de mystères. À la fois saine et nutritive, elle sait répondre à tous les goûts. Serez-vous assez curieux, et parfois courageux, pour la découvrir ? Je ne peux, en tout cas, que vous souhaiter un bon appétit ! Velbekomme !
Aliocha
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Sources :
Bibliographie :
Les Norvégiens pacifistes de Vibeke Knoop Rachline, ateliers Henry Dougier, collection Lignes de vie d’un peuple
Le Guide du Routard Norvège + Malmö et Göteborg 2015-2016, éditions Hachette
Histoire des États scandinaves (Suède, Norvège, Danemark) de A. Geffroy, éditions Hachette
Le miniguide de Norvège 2015, publié par le ministère norvégien des Affaires étrangères
Sitographie :
http://denmark.dk/fr/en-bref/le-danemark-en-chiffres
http://www.bocusedor.com/laureats