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Conférence : Les premiers pas de l'écriture

Les OctoGônes de Lyon, le 3 octobre 2015
 

Les premiers pas de l’écriture, une table ronde organisée par Génération Écriture, avec : Mélanie Fazi et Claire Krust, ainsi que Mathieu Rivero, auteur de Or et nuit, parus aux éditions des Moutons électriques. Écoutez le fichier audio de cet évènement à cette adresse, grâce à ActuSF. Un résumé, ci-dessous.

 

L’envie d’écrire des histoires ne vient pas subitement chez un auteur. Elle a toujours existé. Beaucoup d’auteurs ont commencé à écrire sérieusement pendant l’adolescence, lorsqu’ils découvrent un sujet d’étude à explorer, qui leur tienne à coeur. Après quelques coupures, qui peuvent durer des années, certains choisissent de reprendre ce passe-temps et, à ce moment-là, peuvent tenter de devenir écrivains en rédigeant des textes plus pointus, plus personnels, en trouvant un style. Cette démarche n’est pas la même pour tout le monde. Un certain mimétisme fait partie du processus de création : « à force de lire des textes, nous avons envie de faire pareil ». Certaines tentatives ne durent pas pour toujours cependant…

 

La création d’un texte est déclenchée par un besoin d’exprimer quelque chose, comme une idée ou une inspiration, qui peut venir très subitement, où s’être développée dans l’inconscient de l’auteur, avant d’être couchée sur le papier, dans une première version qui n’a rien de définitive. En effet, les premiers récits d’un écrivain, aussi bon soit-il, ne sont jamais réussis. Une phase de maturité est nécessaire après « les premiers pas de l’écriture » afin de développer un esprit critique ainsi qu’une vision plus indirecte de son texte. Afin de prendre « de la hauteur » pour mieux le jauger. Il est facile d’arrêter de créer par frustration. Cette phase est normale. « Il ne faut pas forcer les choses, mais tâtonner », nous explique Mélanie Fazi, « il est parfois nécessaire de tester différents formats de création afin de trouver celui qui nous correspond ».

 

Leurs objectifs sont divers, et ne correspondent pas forcément à une envie de publication. Certains écrivent pour eux-mêmes, tandis que d’autres ont toujours eu envie de faire partager leurs fictions, à des proches, voire au monde. Les histoires peuvent être fédératrices. Elles peuvent nous permettre de faire partie de groupes ayant les mêmes intérêts littéraires, les mêmes approches… Spectateurs et créateurs se nourrissent, c’est là le but de l’association Génération Écriture. Un certain apprentissage est nécessaire entre l’envie de transmission d’une histoire et son écriture. « Internet est un excellent outil de renseignements et de communication, certes, mais ce média est vaste. Peu d’auteurs connaissent l’existence de site d’entraide ou d’éditeurs spécialisés. » L’acte de création a toujours fasciné Mélanie Fazi, et elle ne s’est jamais dit qu’elle en ferait son métier. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde. L’envie d’être publié est une motivation pour l’auteur en herbe. « Parfois la vie nous fait oublier l’essentiel », avoue Claire Krust, « nous pouvons perdre confiance en nous, hésiter à continuer ou à montrer nos créations. » Il est important de se sentir entouré, nous ont expliqué les membres de Génération Écriture, de se sentir soutenu dans notre développement.

 

« Les retours de nos proches nous permettent de nous améliorer », annonce Mathieu Rivero, mais confier ses premiers textes à un jury anonyme sur internet peut être décourageant. Beaucoup de monde hésite à présenter quelque chose d’aussi personnel à des inconnus, certains jugements peuvent nous faire quitter le milieu. Il est plus difficile de se remettre en selle si les retours que nous avons sont négatifs. Le développement d’un écrivain ne doit pas seulement être dû aux autres, mais avant tout à lui. Comme il est très facile de se décourager face aux refus de soumissions dans des concours ou des appels à textes, il ne faut se lancer dans ce domaine qu’une fois que nous sommes sûrs de nous, et que, comme dit précédemment, nous avons conçu notre propre esprit critique. « La création est un processus isolé. Avant tout, c’est écrire qui améliore l’écriture », et non l’appréciation ou le choix d’une méthode. Si Claire Krust procède à l’instinct, Mathieu Rivero, lui, se repose sur des techniques d’écriture qui ont fait leurs preuves. Mais ces outils n’imposent-ils pas leur propre vision ? « C’est à double tranchant. Le tout est de s’en servir comme d’une aide, mais pour cela, il faut dès le départ, avoir une vision précise de ce que nous voulons concevoir », dit-il. « Il faut avoir du recul. Une méthode va nous éviter de tomber dans des pièges. »

 

Mélanie Fazi et Claire Krust ont un point de vue mitigé. Une méthode ne convient pas à tout le monde, c’est pour cela qu’il y en a beaucoup, mais il n’est pas interdit ou déconseillé de ne pas en avoir, « cela dépend des personnes. Certaines ont une vision assez large de leur œuvre pour concevoir une histoire qui tienne la route, certaines sont très accès sur la théorie. Ce qui va aider les uns ne conviendra pas forcément aux autres ». Une méthode va aider l’auteur à se projeter dans son oeuvre, à bien mélanger les éléments du texte, « ils vont respecter une recette, alors que d’autres vont disposé les ingrédients dans un plat de façon instinctive », nous explique Mathieu Rivero. « La chose essentielle quand on commence à écrire, c’est de connaître son propre processus », ajoute Mélanie Fazi, « il ne faut pas se crisper en suivant les conseils de ses auteurs favoris. » Selon Claire Krust « chacun a le droit d’avancer à son propre rythme, de la manière qu’il le souhaite. » Pas la peine de culpabiliser sur notre rendement ! Si nous commençons à écrire, cela prouve que nous avons une certaine imagination que nous ne devons pas comparer avec celles des autres. L’inspiration ne se force pas, un auteur doit apprendre le lâcher-prise.

 

Un écrivain est avant tout lecteur. Tous ont été marqués, à un moment ou à un autre, par un auteur qui les a inspiré ou poussé à écrire. Ils ont soit cherché à reproduire son style avant de trouver le leur, soit ils lui ont consacré une période littéraire (un hommage), soit, s’ils ont déjà un certain « background », lui font quelques références, sans chercher à s’approprier son style ou ses idées. Comme nous l’a dit Mélanie Fazi dans son interview (ci-dessus), « il est de plus en plus difficile, en prenant de l’expérience, de connaître ses sources d’inspirations ». Nous avons tous une façon bien personnelle de digérer une oeuvre. Nos créations sont, en quelque sorte, un patchwork de tout ce que nous avons vécu. Cela se compose d’oeuvres, de souvenirs, d’impressions… Ce qui compte c’est la phase de maturation de toutes ses expériences, afin de concevoir un récit unique, qui nous est propre et qui ne sera jamais emprunté. Certes, nous pouvons trouver la touche d’un écrivain ou d’un autre dans une création, mais cela ne sera pas forcement voulu. Aucun intérêt n’est à trouver dans la reproduction d’un style pour l’écrivain. Il faut, à un moment, s’émanciper de nos fanfictions d’adolescent afin de percer dans ce métier en particulier.

 

Mélanie Fazi : « la partie la plus difficile ne vient pas du fait d’arriver à publier son premier texte, mais du fait de se convaincre de sa qualité réelle ». Parfois, en écrivant, nous ne nous rendons pas compte que la base sur laquelle nous sommes partis est croulante. Claire Krust : « il ne faut pas hésiter à tout reprendre depuis le début ». Pour Mathieu Rivero, il est primordial que le livre qu’il écrit soit intéressant. Si l’histoire lui paraît dénuée d’intérêt, alors à quoi bon la continuer ? « Nous nous disons que nous avons travaillé pour rien, et cela peut être énervant. » Mélanie Fazi a énormément appris de choses de par son métier de traductrice (voir ci-dessus). Son objectif est que ses histoires soient compréhensibles pour tous, même pour une personne n’ayant jamais lu de fantastique.

 

Le fait d’avoir un ordinateur personnel à beaucoup aidé Claire Krust dans son processus. Il est difficile de s’y retrouver dans des notes écrites à la main et de les retranscrire, ou de revenir en arrière, de s’informer sans internet, de comprendre la longueur exacte de son histoire. Les moyens influent sur l’écriture : « retravailler son texte au propre est bien plus facile via un logiciel de traitement de texte. Nous avons aussi l’impression d’avancer plus vite ». Si un traitement de texte basique convient très bien à l’écrivain, il en existe des plus spécifiques, calibrés afin que l’utilisateur se retrouve plus facilement dans son plan s’il rédige un roman. Et puis, des correcteurs orthographiques comme Antidote permettent de corriger des fautes d’accord, de grammaire… C’est une façon d’apprendre de ses erreurs. Prendre des notes est une chose importante. Garder un carnet sur soi ou télécharger une application de prise de note pour son portable est une manie que prennent la majorité des écrivains d’aujourd’hui.

 

Il est difficile d’annoncer à sa famille que l’on veut devenir écrivain. En effet, il ne s’agit pas d’un véritable métier, mais d’une passion. Nous nous rendons compte très vite que tous les écrivains ont un métier alimentaire, qui peut parfois trop empiéter sur leur processus de création, les empêcher d’accomplir leur besoin d’écriture. Cela est arrivé à beaucoup de monde. Écrire des histoires fantastiques est une chose mal vue, un simple passe-temps qui ne parait pas primordial. Rares sont les personnes en mesure d’appréhender le temps et les moyens qu’il faut mettre en oeuvre dans la création d’un livre. Un auteur doit faire des concessions sur ses loisirs s’il souhaite concrétiser son projet. La recherche de temps et une chose que recherchent ceux ayant cette double vie de travailleur et d’auteur. La recherche d’argent est une chose poussant ceux n’ayant pas la possibilité de profiter des « joies » du travail. Pas étonnant, si les auteurs des siècles derniers étaient tous dilettantes ! L’accès à l’éducation a suscité un besoin créatif dans notre société, peu ont la possibilité de l’épancher. Cela se remarque surtout dans les métiers artistiques, qui sont faits pour une petite minorité provenant de milieux aisés.

 

L’impact de la famille dans la motivation d’un jeune écrivain est énorme. Si leur but est de renseigner leurs progénitures sur les réalités de la vie, ils peuvent aussi détruire leur rêve, nous explique Claire Krust. Certains parents, comme les siens, ne sont pas lecteurs, certains autres sont à l’origine de cette passion. Le cercle d’amis d’un écrivain joue beaucoup dans la motivation, mais aussi dans le processus d’inspiration et de par leurs critiques. Les premiers textes de Mélanie Fazy sont, selon elle, très naïfs « nous voyons que je n’étais pas encore sortie du cocon familial ». L’oeuvre d’un jeune auteur partage son besoin d’émancipation. « En premier lieu, un auteur apprend à développer son texte, à faire de plus longues descriptions, à donner davantage de détails. Puis il apprend à couper, à ne garder que l’essentiel, afin que celui-ci ne devienne pas lourdingue. » Si un jeune auteur a tendance à se « regarder écrire », selon-elle, en vieillissant, ses textes deviennent de plus en plus percutants. La cohérence, la profondeur, le recul, sont des choses qui se développent également avec les années. Si les premiers textes sont la honte de l’auteur aguerri, en se penchant dessus plusieurs années après, quelques détails peuvent les inspirer, les questionner sur leurs penchants du moment.

 

Mélanie Fazi et Mathieu Rivero ont fait leurs premiers pas dans l’écriture par la publication de nouvelles dans des revues et des anthologies. Ces textes n’ont pas été envoyés en hasard : ils étaient destinés à des éditeurs spécialisés. Il est important d’atteindre le bon lectorat. Seule l’intuition les a fait choisir entre leurs textes ceux qu’ils pensaient aptes à la parution. Claire Krust ne connaissait pas le milieu de l’édition, mais a réagi de la même façon, en cherchant un éditeur approprié pour son roman. Un éditeur peut parfois demander un retravail avant une parution. Cela peut être plus formateur qu’aucune autre méthode. Aller dans des salons comme OctoGônes est tout aussi important pour de jeunes auteurs afin d’agrandir leur cercle de contacts. Chaque publication vient d’un concours de circonstances différent, c’est pour cela que la communication est une chose très importante pour l’écrivain, comme pour le traducteur, etc. Un écrivain peut posséder un style tellement personnel qu’il ne convient pas à une ligne éditoriale spécifique. Avant de laisser tomber un projet pour concevoir des oeuvres plus classiques, il ne faut pas hésiter à se montrer. C’est une phase très complexe ! Actuellement, la mode est aux romans de fantasy, mais certains lecteurs recherchent un thème différent.

 

Ce qui pousse Mélanie Fazi à continuer est la peur que ça s’arrête, le plaisir de trouver de nouvelles idées et de mener un projet à bien. « Poser une idée sur le papier, c’est lui donner vie, la rendre tangible. » C’est là la principale motivation de Claire Krust. Pour Mathieu Rivero, le réel appel à l’écriture. Les éléments du quotidien inspirent ses textes, minimes soit-ils. Il communique ses expériences à ses lecteurs pour les mêmes raisons, afin qu’elle ne disparaisse pas. « Persévérez ! » nous conseillent-ils en coeur, « n’oubliez pas qui vous êtes, ni ce que vous voulez dire et faire », « apprenez qui vous êtes sans oublier les réalités du monde, mais ne les laissez pas vous décourager ».

 

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